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5 octobre 2025 7 05 /10 /octobre /2025 17:55

Nous marchons dans le monde comme des dieux myopes. Chaque pas soulève un souffle d’air que d’autres créatures prennent peut-être pour un vent. Sous nos semelles, des civilisations minuscules s’agitent, aveugles à la masse de chair et de pensée qui les effleure. La fourmi ne connaît pas notre nom, ni nos intentions. Elle ne sait rien de la peau, de notre regard, de nos aspirations. Le ciel, pour elle, n’est pas le même que le nôtre. Elle sent, calcule, trace des routes invisibles sur la poussière. 

 

Et si nous étions, à notre tour, les fourmis de quelqu’un d’autre ?

 

Peut-être que les supposés visiteurs nous observent avec la même indifférence tranquille. Peut-être que leurs machines, leurs “astronefs”, ne sont pas des objets, mais des phénomènes. Des pliures de l’espace, des lumières qui se déplacent sans bouger. Nous, du fond de notre fourmilière bleue, nous croyons voir des “soucoupes”. Comme la fourmi qui prend une montre pour une montagne. Nos interprétations ne dépasseront jamais notre condition.

 

Nous n’avons pas les yeux pour les voir, ni le langage pour les comprendre. Ce n’est pas une question d’intelligence, mais de fenêtre. Nous regardons à travers le hublot de nos sens, et nous croyons que tout ce qui existe doit passer par là. Le reste — ce qui échappe, ce qui traverse sans bruit — nous l’appelons mystère. Eux, peut-être, ne nous voient même pas. Ou bien ils nous contemplent comme nous contemplons les insectes : avec une curiosité polie, mais sans attente de dialogue.

 

L’humain s’imagine centre du monde parce qu’il ne perçoit pas la vastitude du réel. Pourtant, il suffit d’un peu de silence pour sentir que quelque chose circule entre les galaxies comme un souffle ancien. Un réseau d’intelligences — ou autre chose, un murmure de la matière pensante.

 

Il est possible que la conscience ne soit pas un sommet, mais un point sur une spirale infinie. Nous ne sommes pas les premiers. Nous ne serons pas les derniers. Nous sommes simplement, pour un instant, les fourmis qui lèvent la tête vers les étoiles.

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Published by Yannick Rieu
2 octobre 2025 4 02 /10 /octobre /2025 20:24

Alexandre Dumas sort le fouet et le claque sur les nationalistes québécois comme sur un cheval de parade.* C’est beau à voir : ça fait du bruit, ça laisse des marques, et ça rappelle que derrière les grands discours identitaires se cachent souvent de petites lâchetés. Son refrain — “Nationalistes, mais pas au point de…” — tombe comme une comptine cruelle. C’est efficace, ça frappe, ça démonte les pick-ups et les petits drapeaux plantés dans le gravier de la fierté.

 

Mais en visant juste, Dumas vise trop large. Il tape si fort qu’il finit par abîmer son propre manche. Dire que “les nationalistes n’aiment pas le Québec”, c’est une belle provocation, mais c’est aussi une caricature qui confond la clique de politiciens-papoteurs et tout un courant historique. On a connu au Québec un nationalisme syndical, solidaire, culturel, qui n’avait rien à voir avec les selfies de députés devant un érable en plastique. Balayer ça d’un revers, c’est donner à Martineau et Durocher le privilège d’incarner l’idée nationale. Pas sûr que ce soit le coup le plus habile.

 

Autre faiblesse : Dumas adore incendier, mais n’éteint rien. Il crache sur l’obsession des foulards, sur la fierté creuse, sur le chauvinisme de façade — et il a raison. Mais après avoir dynamité la maison, il se contente de dire : “bâtissez-moi autre chose, un vrai projet de société”. Merci du conseil. Encore aurait-il fallu tendre au lecteur une poutre, un mur, un début de plan. Sans ça, la colère tourne à l’impuissance. 

 

Enfin, le texte pêche par le miroir qu’il tend : Dumas reproche aux nationalistes de fermer les yeux sur les failles du Québec, mais il leur répond en fermant les yeux sur la diversité de ceux qui se disent nationalistes. Sa plume crache l’acide, mais l’acide ronge aussi l’argument. La généralisation radicale devient le même procédé rhétorique que celui qu’il dénonce : slogans contre slogans, œillères contre œillères.

 

Alors oui, Dumas fait œuvre utile : il pique, il secoue, il empêche la complaisance. Mais il reste coincé dans le rôle du procureur. Et un procureur sans architecte derrière lui finit toujours par se répéter. La colère a besoin d’un prolongement, sinon elle n’est qu’un spectacle.

 

L’idéologie, qu’elle soit de droite ou de gauche, reste une mauvaise habitude. Elle tourne en rond dans ses slogans, elle confond ses certitudes avec le réel, et finit toujours par oublier ce qui se passe sur le terrain. Là où vivent les gens, là où ça brûle, là où ça saigne.

 

*l’article: 

 Les nationalistes n’aiment pas le Québec. 

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Published by Yannick Rieu
30 septembre 2025 2 30 /09 /septembre /2025 22:34

Sur la grande scène du monde, deux figures se font face.

Lui, c’est le Roi-Bouffon : costume mal taillé, cravate de travers, il grimpe sur la table, crie plus fort que les tambours, promet la lune à qui veut l’entendre. Chaque mot est une gifle ou une blague, et les foules rient, s’indignent, applaudissent, mais surtout — elles regardent. Car son royaume n’est pas un territoire, c’est l’attention. S’il cesse de faire du bruit, il cesse d’exister.

 

Elle, c’est la Reine-Technocrate : manteau impeccable, sourire poli, dossiers empilés comme des remparts. Elle ne crie jamais, elle codifie. Elle tisse des filets de lois, de traités, de normes, et ceux qui s’y débattent finissent par croire que c’est l’air qu’ils respirent. Pas besoin de tonnerre : sa force est d’être invisible. Elle avance comme la marée, irrésistible, sans que personne ne puisse dire exactement où commence sa volonté.

 

Le Roi-Bouffon menace de tout casser, mais c’est souvent du théâtre. Derrière ses excès, il hésite à lancer les guerres qu’il brandit comme des jouets.

La Reine-Technocrate, elle, parle doucement de sécurité, de résilience, de souveraineté. Pourtant, dans son sillage, les arsenaux se remplissent, les budgets gonflent, les cartes se redessinent en lignes de front.

 

Le peuple regarde le Bouffon avec effroi et fascination. La plupart ignorent que, derrière, la Reine ajuste déjà les aiguilles de l’horloge stratégique. Et peut-être que, lorsque l’orage éclatera vraiment, on découvrira que le Bouffon n’était que le spectacle… et que la Reine avait gardé la main sur le volant tout du long.

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Published by Yannick Rieu
28 septembre 2025 7 28 /09 /septembre /2025 00:46

J’ai entendu à la radio de Radio-Canada un intervenant dire qu’il avait honte d’être un homme. 

Ça sonne comme un slogan d’époque. Il ne dit rien de lui, mais cherche à briller dans le miroir des autres. On s’y avoue coupable de sa naissance, comme si l’état civil était un crime et la biologie un tribunal.

 

Poussons le jeu : honte d’être né en hiver, honte d’avoir les yeux clairs, honte d’appartenir à une espèce qui pollue, honte d’exister tout court. Où ça s’arrête ? Si la honte colle à ce qu’on n’a pas choisi, autant se lever chaque matin avec l’envie de disparaître. On se retrouve à porter un sac de pierres imaginaires, distribué par des mains qui jurent vouloir la justice mais se nourrissent de la contrition des autres. La honte devient une monnaie d’échange : plus tu en exhibes, plus tu gagnes ta place au banquet moral.

 

Mais la honte n’est pas innocente : elle immobilise. Et une société qui cultive la honte de soi fabrique des individus courbés, inoffensifs, faciles à manier. C’est là que le masque tombe : sous le vernis progressiste, la honte peut fonctionner comme une discipline sociale, une petite police intérieure.

 

Il y a pourtant une ligne claire. La responsabilité, c’est ce que j’ai fait, ce que je choisis, ce que je soutiens ou combats. Ça m’appartient. La culpabilité symbolique, elle, m’est collée sur le dos sans procès : tu es né homme, blanc, donc suspect. C’est confortable pour certains et certaines — plus besoin d’argumenter, il suffit d’incriminer. À les entendre, naître mâle, c’est déjà franchir la ligne rouge du fascisme. Ça tue la nuance, ça écrase la complexité humaine. Refuser ce fardeau imposé, ce n’est pas nier l’histoire ni les injustices : c’est rappeler que l’histoire ne s’amende pas par la mise en scène de l’auto-dénigrement, mais par des gestes réels, ici et maintenant.

 

Avoir honte d’exister n’a jamais réparé un tort. On peut se souvenir, comprendre, agir. Mais se condamner pour sa naissance ? C’est confondre la vie avec un procès. Et dans ce tribunal-là, personne n’est acquitté.

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Published by Yannick Rieu
25 septembre 2025 4 25 /09 /septembre /2025 21:56

L’annonce récente du gouvernement Legault d’interdire l’écriture inclusive dans les communications officielles relance un vieux débat : jusqu’où peut-on transformer la langue sans la briser ? Derrière les querelles politiques, il y a une question plus essentielle : celle du rythme, de la musique d’une langue.

 

Depuis 1979, le Québec a féminisé les titres de professions et de fonctions. “La ministre”, “l’avocate”, “la directrice” sont devenues naturelles, là où l’on disait auparavant “Madame le ministre” ou “Madame le directeur”. Ce changement, parce qu’il suivait le mouvement interne de la langue française — ses flexions, sa logique — s’est intégré sans peine. Personne aujourd’hui ne bute en disant “la directrice”. La langue a plié, mais sans se rompre.

 

L’écriture inclusive, elle, emprunte un autre chemin. Points médians, doublets, néologismes comme “toustes” : autant de bricolages graphiques qui cassent la fluidité de la phrase, brisent la respiration, interrompent la musique. Lire un texte inclusif, c’est souvent trébucher. La langue cesse de couler, elle devient exercice de décodage.

 

On peut aimer ou détester le conservatisme, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici. Les langues changent, toujours. Elles accueillent du neuf, elles se transforment avec le temps. Ce qui reste, ce sont les formes qui s’intègrent au rythme interne, celles qui se laissent dire, chanter, penser sans effort. C’est pourquoi “directrice” s’impose, là où “étudiant·e·s” demeure bancal.

 

Ce qui gêne dans l’écriture inclusive, ce n’est pas le désir de reconnaissance. Ce geste est noble, il veut réparer, donner une place à ceux et celles qu’on efface trop vite. Mais lorsqu’il se fait au prix du phrasé, lorsqu’il malmène la phrase au point de détourner l’attention du texte vers le procédé, il devient contre-productif. Une langue qu’on lit en trébuchant perd sa force première : celle de circuler.

 

Changer, oui. Déformer, non. La vraie inclusion ne devrait pas exiger du lecteur qu’il fasse acrobatie pour atteindre le sens. Elle devrait naître d’une évolution qui respecte la musique, ce souffle invisible qui fait tenir une langue debout.

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Published by Yannick Rieu
24 septembre 2025 3 24 /09 /septembre /2025 21:35

J’ai utilisé l’intelligence artificielle pour tenter de voir s’il y avait une différence entre le discours du GIEC et celui des médias en général. J’ai demandé à ce que tous les rapports du GIEC soient lus ainsi que la littérature médiatique sur ce sujet, dans son ensemble.

Un texte, enrichi de chiffres et d’exemples, a été rédigé par l’IA pour illustrer les biais de perception entre la parole scientifique et sa réception dans l’espace public. Intéressant.

Le décalage entre le discours austère du GIEC et le battage médiatique ressemble parfois à un jeu du téléphone arabe. D’un côté, les scientifiques rappellent que la planète s’est déjà réchauffée de 1,1 °C, que des millions de personnes vivent en première ligne et que les émissions doivent atteindre leur pic avant 2025 puis baisser de 43 % d’ici 2030. Ils détaillent des chiffres froids : environ 3,3 à 3,6 milliards de personnes sont très exposées aux impacts et les besoins en adaptation se chiffrent à 127 milliards $ par an d’ici 2030, alors que les financements actuels plafonnent autour de 23-46 milliards. Ils insistent sur la nuance : chaque scénario est une projection conditionnelle et non une prophétie.

 

De l’autre côté, certains titres transforment ces repères en comptes à rebours apocalyptiques. L’annonce d’un pic des émissions avant 2025 devient ainsi « il ne reste que trois ans » ; l’idée que la limite de 1,5 °C risque d’être temporairement dépassée se change en « nous n’avons que douze ans pour sauver la planète ». Cette « deadlinite » est d’autant plus trompeuse qu’elle occulte le message central du GIEC : chaque dixième de degré évité compte et il n’existe pas de date magique où tout basculerait. Elle alimente un fatalisme (« doomism ») que le rapport combat explicitement.

 

Autre biais : la confusion entre scénarios et prévisions. Les SSP du GIEC décrivent des trajectoires possibles en fonction de choix politiques et technologiques. Pourtant, la plupart des articles ne prennent pas la peine de les expliquer et utilisent des termes comme « prévision » ou « prédiction », donnant l’impression d’un futur déjà écrit. Résultat : des récits déterministes et anxiogènes, alors que le rapport présente justement des options variées, de la sobriété à l’innovation.

 

À l’inverse, certains messages essentiels passent à la trappe. L’étude de Carbon Brief montre que 70 % des articles ont bien mis en avant qu’il existe des solutions pour réduire les émissions, 67 % ont parlé de transition vers les renouvelables et 63 % de la nécessité de réduire les combustibles fossiles. Mais les mêmes journaux évoquent peu les questions d’équité et de justice climatique, ou les besoins de financement des pays vulnérables. Les réseaux sociaux, eux, se focalisent sur des posts alarmistes qui ignorent les messages officiels et cultivent l’impuissance.

 

En résumé, le biais médiatique ne tient pas à une volonté de mensonge, mais à une tentation de simplifier et dramatiser. Pour s’en affranchir, il faut retourner aux sources : les rapports et leurs résumés pour décideurs. Ils montrent que la situation est grave, certes, mais qu’elle reste ouverte. Chaque action compte, chaque degré compte, et surtout, chaque mot compte.

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Published by Yannick Rieu
21 septembre 2025 7 21 /09 /septembre /2025 17:13

Le Québec a changé. Comme tout et tout le monde, ai-je envie d’écrire. Les situations évoluent, les mentalités s’ajustent, avec plus ou moins de bonheur. Rêver d’un Québec figé dans ses “valeurs” relève de l’utopie — et n’est d’ailleurs pas souhaitable.

 

La question de l’immigration revient sans cesse dans le débat public, et pas seulement au Québec. Si on s’y penche sans tomber aussitôt dans la polarisation, on distingue, selon moi, trois dimensions : la mécanique des choix, la capacité réelle d’accueil et l’équilibre culturel. Trois couches qui s’entrecroisent et qui, mal gérées, créent plus de tensions que de solutions.

 

D’abord, qui fait venir qui, et pourquoi ? L’État fixe des quotas et sélectionne les profils recherchés — main-d’œuvre spécialisée, regroupement familial, réfugiés. L’économie, de son côté, influence fortement ces choix : elle réclame des bras où la main-d’œuvre manque, des cerveaux là où la compétition mondiale s’intensifie. Il y a là un va-et-vient constant entre besoins économiques et décisions politiques. Et puis il y a les individus, avec leurs raisons vitales : fuir une guerre, chercher une vie plus stable, offrir un avenir à leurs enfants. L’immigration n’est donc jamais un bloc homogène, mais une rencontre d’intérêts multiples.

 

Vient ensuite la question du seuil, cette limite invisible où le nombre cesse d’être neutre et devient un problème. Tant que l’arrivée est progressive, accompagnée de ressources suffisantes — logement, emploi, école, apprentissage de la langue —, l’accueil peut bien se dérouler. Mais si le rythme s’accélère, si les infrastructures ne suivent pas, la société hôte se sent débordée. L’impression de perdre le contrôle suffit à provoquer un réflexe de rejet. Ce n’est pas, à mes yeux, de l’hostilité : c’est plus souvent la peur de voir le quotidien se compliquer — logements plus rares, écoles surchargées, services saturés — et, plus sourdement, le sentiment de moins se sentir chez soi. Ce sentiment, largement sous-estimé dans le débat public, pèse pourtant lourd : il touche à la langue qu’on entend, aux codes partagés, aux repères culturels. On parle beaucoup de chiffres et de quotas, mais c’est souvent ce terrain intime, invisible, qui détermine l’acceptabilité réelle de l’immigration.

 

Le troisième plan est sans doute le plus sensible : celui des cultures. À petite dose, les différences stimulent, enrichissent, ouvrent des horizons. À grande échelle, surtout si l’intégration reste incomplète, elles peuvent se heurter. Certaines conceptions du monde, très éloignées sur des points essentiels — religion, place des femmes, liberté individuelle —, cohabitent difficilement. L’intégration devrait jouer le rôle de pont, mais elle suppose un contrat implicite : celui qui arrive apporte ses couleurs, tout en acceptant les règles de la maison. Quand ce contrat se défait, l’équilibre fragile se rompt.

 

Au Québec, cette question prend une résonance particulière. Francophone minoritaire sur son propre continent, la société vit avec une conscience aiguë de sa vulnérabilité. Les inquiétudes ne sont pas inventées : langue, coutumes, mémoire collective paraissent toujours menacées. Dans ce contexte, le principe d’un “don-contre-don” me semble vital : la culture d’accueil s’ouvre, mais attend en retour reconnaissance et appropriation. Sans ce mouvement réciproque, c’est la peur de dilution qui domine.

 

L’immigration est donc, selon moi, une affaire de dosage, de rythme, d’équilibre. Trop peu, et la société s’appauvrit en se refermant sur elle-même. Trop vite, et elle se crispe, convaincue qu’on lui arrache ses repères. Le vrai défi n’est pas seulement de fixer des quotas, mais de préserver un contrat partagé : un cadre clair, accepté de part et d’autre, où l’apport des uns devient richesse commune sans que la maison perde sa forme.

 

En fin de compte, la question reste ouverte : qui définit ce seuil d’équilibre ? Selon quels critères ? Comment concilier le besoin de bras et d’idées neuves avec la nécessité de garder un socle culturel commun ? Moins une réponse définitive qu’une vigilance permanente, une négociation sans fin.

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Published by Yannick Rieu
18 septembre 2025 4 18 /09 /septembre /2025 14:26

On a vu la liberté d’expression attaquée de front avec l’assassinat de Charlie Kirk. Un homme abattu pour ses idées : voilà le refus du débat poussé à l’extrême.

 

Jimmy Kimmel, lui, n’a pas été tué, mais réduit au silence. Son émission, Jimmy Kimmel Live!, a été suspendue indéfiniment par ABC après quelques phrases jugées offensantes dans son monologue sur l’assassinat de Kirk. Ce n’était pas un appel à la violence, seulement une satire — un humour noir comme il en a toujours pratiqué. Mais sous la pression politique et économique, le réseau a choisi de couper le micro.

 

Dans les deux cas, le schéma est le même : au lieu de discuter, on supprime. Au lieu d’argumenter, on élimine — d’une balle ou d’une suspension. C’est la même logique qui triomphe : l’idée qu’on peut régler la question d’une parole en supprimant celui qui la porte.

 

Une société qui choisit ce raccourci se prive d’elle-même. Elle n’apprend rien, elle ne se corrige pas, elle s’appauvrit. Faut-il le répéter? La liberté d’expression n’est pas confortable : elle oblige à supporter des idées qu’on déteste, des blagues qu’on juge de mauvais goût, des voix qu’on voudrait taire. Mais elle est le prix à payer pour qu’il reste encore un espace commun.

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Published by Yannick Rieu
13 septembre 2025 6 13 /09 /septembre /2025 00:31

Je crois qu’il serait utile, pour beaucoup d’entre nous, de faire appel à la sagesse des anciens. Les stoïciens, de Sénèque à Marc Aurèle, rappelaient sans cesse une distinction décisive : il y a ce qui dépend de nous — nos jugements, nos gestes, notre maîtrise intérieure — et il y a ce qui échappe à notre pouvoir. Le reste doit être accueilli avec mesure, sans illusion.

 

Or qu’avons-nous vu à l’annonce de l’assassinat de Charlie Kirk ? Une avalanche de réactions : indignation, sarcasmes, joie mauvaise. Les réseaux bruissent, chacun se croit tenu d’ajouter son mot, de trancher, d’accuser, de se réjouir. Comme si l’instant exigeait de nous une opinion immédiate. Mais cette précipitation n’éclaire rien. Elle ne fait qu’ajouter du bruit au bruit.

 

La vérité, c’est qu’il y a eu bien peu d’interventions raisonnables, intelligentes ou simplement mesurées. Beaucoup ont crié, peu ont réfléchi. Comme si la passion suffisait à tenir lieu de pensée. Mais ce vacarme révèle surtout notre besoin d’une autre posture : non pas la rage, mais la maîtrise de soi.

 

La sagesse stoïcienne nous invite au contraire à distinguer : la mort de cet homme ne dépend pas de nous. Ce qui dépend de nous, c’est la manière d’y répondre. Allons-nous ajouter notre colère à celle des autres, ou bien cultiver un peu de calme intérieur ? Allons-nous nous perdre dans les insultes et les étiquettes, ou garder la main sur notre jugement ?

 

Marc Aurèle écrivait que « la souffrance naît moins des choses que de l’opinion que nous en avons ». C’est cette opinion qui est entre nos mains. Et c’est là que gît encore notre liberté.

 

Le vacarme passera, notre jugement demeure.

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Published by Yannick Rieu
11 septembre 2025 4 11 /09 /septembre /2025 21:47

On dit qu’on combat le feu avec le feu. Mais combat-on le fascisme avec un autre fascisme ? L’extrême droite avec ses propres méthodes ? L’extrême gauche avec ses propres dérives ? La logique est absurde. Et pourtant elle séduit. Car la violence rassure : elle donne l’illusion de la force, l’illusion de la clarté.

 

Depuis la mort de Charlie Kirk, certains se félicitent bruyamment. Ils confondent critique des idées et approbation de la violence. Leur réaction ne dit pas la justice, mais la vengeance. Elle ne dit pas la liberté, mais la haine.

 

Abattu pour ses idées, même si elles sont parfois clivantes ou jugées inacceptables par certains, c’est oublier ce qu’on défend vraiment. Faire taire au nom de la liberté, c’est tuer deux fois : l’adversaire et le principe qu’on prétend défendre. Le fascisme n’est pas une doctrine particulière, c’est une logique : réduire l’adversaire au silence, nier son humanité, justifier la brutalité au nom du Bien.

 

On peut critiquer Kirk, contester ses positions, dénoncer ses politiques avec vigueur. C’est même nécessaire. Mais se réjouir de sa mort, ou prétendre qu’« il l’a bien cherché », c’est franchir une ligne dangereuse : celle qui transforme la politique en guerre sacrée. La démocratie n’a pas besoin d’ennemis sanctifiés, elle a besoin de contradictions assumées.

 

Le vrai courage n’est pas d’applaudir la mort de l’autre, mais de supporter encore sa voix. Car céder à la jubilation meurtrière, c’est entrer soi-même dans la logique du fascisme.

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Published by Yannick Rieu

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