Faire de la musique. Quelle magnifique façon de communiquer avec les gens. Jamais je ne serai assez reconnaissant au destin, aux circonstances, d'avoir mis sur mon chemin la possibilité de choisir cet art. En fait je n'ai jamais vraiment choisi mais laissé les choses arriver: la technique du bouchon comme disait Renoir père. Se laisser aller dans le courant de la vie, sans trop chercher à contrôler ou influer sur le cours des évènements. C'est ainsi que peu à peu je me suis laissé happer par les sons, les rythmes. Jamais je me suis douter que faire de la musique m'ouvrirais toutes ces portes, me donnerait des joies si pleines et profondes.
Des rencontres, parfois lumineuses, ont marqué mon esprit suffisament pour pousser plus loin, de façon plus profonde mon envie de connaître cet art. Ces influences n'ont pas forcément été directes. Elles l'ont été par le truchement de disques, de livres, de films et les personnages marquants rencontrés n'étaient pas tous musiciens, loin s'en faut.
Je me rapelle ce professeur de français en secondaire 4, pianiste à ses heures, fou de littérature, haut comme trois pommes portant le costume (cravate...je ne me souviens plus) et plein d'énergie, affable mais sans aucune complaisance. Certainement une des premières rencontres marquantes, ouverture des premières portes, des possibles, d'avenirs autres que l'usine du coin ou le métier abrutissant et frustrant mais rémunérateur. Le travail pour gagner sa vie et non pas pour grandir, s'épanouir, connaître et apprendre.
Apprendre est probablement le mot-clé d'une vie, la raison première de toute existence digne de ce nom. Toutes ces heures passées en solitaire mais jamais seul, comme le dit si bien Leonard Bernstein, à étudier, écouter, réfléchir, ne donnent pas le sentiment d'être isolé mais participent ou donnent le sentiment d'être et d'appartenir à une communauté. Le musicien se sent seul surtout lorsqu'il est dans le monde. Ce monde. Celui de l'apparence, du superficiel, du jetable, du médiocre et du consommable.
On ne consomme pas la culture, on y participe. On consomme la culture industrielle: ces produits destinés à être vendu comme de la lessive, pensés pour plaire au plus grand nombre. Je pense ici à tous ces chanteurs et chanteuses formatés et, comme la bouffe, sans véritable goût, bien empaquetés, ficelés comme du saucisson, destinés à faire des "tubes" (hits) pour des gamin(e)s décérébrés. Par définition, un "tube", c'est creux! «Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es» comme disait le philosophe. «Dis-moi ce que tu écoutes et je te dirai qui tu es» pourrais-je dire.
À l'opposé de cette culture de masse, industrielle, on retrouve les gens qui sont, non pas affamé d'art, mais du prestige que l'art peut leur procurer. Côtoyer des artistes de renom donne du panache, paraît bien et n'engage pas à grand chose finalement. Je pense à tous ces snobs qui vont aux concerts pour se montrer, ou montrer qu'il font parti de cette élite qui est suffisamment "sensible" pour apprécier le "véritable" art, qui comprenne tellement bien la valeur ($?...) de ce que représente un artiste réputé. Je passe rapidement sur les organisateurs prétentieux, traitant les musiciens comme de la marchandise, les critiques qui vont aux concerts avec partition (Hey! on écoute un concert, on ne le lis pas!..) et les artistes vendus, prêts à lécher le derrière de n'importe qui pour faire avancer leur carrière.
La musique rend plus humain. La musique affine, aiguise la pensée. Elle nous transporte dans un autre monde, non pas pour s'évader de celui-ci, mais pour mieux le comprendre, s'en éloigner pour le voir dans sa globalité. Musique-refuge pour se protéger de la froideur de nos rapports dits humains. Musique pour oublier ou se rappeler.
Les mots traversent l'esprit. La musique traverse l'âme.