La musique de jazz est devenu une musique fourre-tout où chacun se fait une idée de ce qu'elle peut contenir. Musique dont les origines sont elles-mêmes diverses mais qui, au cours des époques, à toujours été une musique de liberté et de rythme. Les organisateurs de festival dit de jazz l'ont bien compris et ne se gêne pas pour présenter, au nom de cette liberté, n'importe quoi.
Je ne suis pas puriste, loin de là, et je dois avouer que beaucoup de musique portant le "label" jazz me laisse complètement froid, indifférent et, à la limite, me tombe sur les nerfs.
Il y a tout d'abord l'attitude "jazz" (qui m'ennuie) où la personne qui en est atteinte est supposé être "cool", au-dessus de ses affaires, dragueur impénitent, noceur de première, sans véritable culture et cachant ce fait sous des airs de fausse modestie. Il faut dire que l'idée, tenace, du jazzman buvant, fumant, se couchant tard vient probablement du fait que cette musique a été joué pendant une longue période presqu'uniquement dans les bars et autres bouges malfamés.
On peut parler, dans certain milieu, de racisme à l'égard de cette musique. Je me souviens, il n'y a pas longtemps, d'un chef d'orchestre avec qui je travaillais pour présenter un concert, me dire au moment d'une répétition, lorsque mon solo devait commencer: "Là, tu fais ton show". Mon show, comme il l'appelait, était pour moi tout l'inverse! Peut-on imaginer qualifier de "show" le soliste jouant les suites de Bach ou le concerto pour violoncelle de Dvorak, de faire son "show"? Évidemment non! Mais ce chef, dans sa petite bulle suffisante, avait cette idée, pas trés généreuse et plutôt obtuse, que mon solo se résumait à faire un "show"!
Il arrive malheureusement trop souvent, de la part de mes confrères pratiquant la musique classique, que de telles inepties soient encore admisent. La culture ne se résume pas à connaître uniquement sa spécialité. Des musiciens comme Leonard Bernstein, Mitropoulos, Ravel, Milhaud, entre autres, l'auront bien compris et fait comprendre.
Beaucoup de malentendus concernant le jazz continuent de mal faire connaître cette musique. Je me rappelle les yeux noirs, répobrateurs de la responsable de la phonothèque du conservatoire lorsque j'étais étudiant et osais écouter Éric Dolphy ou John Coltrane (faut dire que je montais le son uniquement pour me délecter de son courroux)! On parle des années 77-78-79!
J'ai souvenir également d'avoir passé mes examens (en saxophone classique) avec un "bec" ou embouchure destiné pour le jazz. Hérésie totale! Panique dans le jury! De quoi! Du haut de mon arrogance d'adolescent, j'osais, encore une fois, défier le bon goût "classique". Ce bon goût était pour moi sclérose, manque d'imagination et pure snobisme. J'ai rencontré la même attitude lorsque j'ai tenté de continuer mon apprentissage à L'université McGill. J'étais "trop moderne" pour le directeur du big band... Moi, tout ce que je voulais c'était apprendre tous les jazzs! Sidney Bechet et Wayne Shorter, Louis Armstrong et Miles Davis, Earl Hines et Herbie Hancock! Et là, je ne parle que du jazz! Toutes les musiques m'intéressaient et m'intéressent. Ce n'est pas le style mais la pertinence du discours derrière celui-ci qui m'interpelle. Le contenu plus que le contenant. Bach et Hendrix sont des musiciens pertinents.
Vous aurez deviné, je n'ai pas terminé mon cursus musical dans ces établissements et j'ai commencé l'étude du jazz et des autres musiques en auto-didacte, qui se poursuit au moment d'écrire ces lignes. (Pour l'anecdote, j'ai quand même passé les fameux examens au conservatoire, avec mon bec-jazz.... et était reçu pour l'année suivante!)
Le jazz est une musique des possibles. En fait, pour être tout à fait honnête, je n'ai aucun intérêt dans la vaste majorité du jazz qui se fait ou pratique aujourd'hui. Tous ces imbéciles qui se tuent au travail pour atteindre une technique de virtuose et qui ne sauront pas quoi faire avec...Mettre la charrue avant les boeufs me parait la plus juste façon de présenter leur travail.
La vrai question est de savoir si l'on a quelque chose à dire et si oui, comment le dire. C'est un peu comme si un écrivain en herbe s'échinait à apprendre le dictionnaire par coeur sans réfléchir à ce qu'il veut écrire et transmettre.
Nadia Boulanger affirmait que la première chose que l'on doit connaître lorsque l'on est face à des étudiants, c'est de savoir s'ils portent en eux un véritable amour pour ce qu'ils font.