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3 décembre 2011 6 03 /12 /décembre /2011 06:12

Plus que jamais notre monde a besoin de gens animés par la passion, attentif. 

 

Mais qu'est-ce que la passion? Le propos a déjà été soulevé mais j'aimerais y revenir car cela semble important.

 

Nous avons une idée romantique de la passion aidé en cela par notre culture qui fait l'apologie des passions sélectives. Or cette passion qui fait de nous des spécialistes dans un domaine donné et insensibles pour d'autres "causes", je veux dire indifférents, sans cette qualité que l'on réserve presque exclusivement à l'objet de notre passion n'est qu'une forme d'opportunisme et fait de nous des handicapés, des êtres fragmentés, sans unité. Avoir des opinions (souvent arrêtées), même si on proclame haut et fort "que chacun à droit à ses opinions", reste, il me semble, une façon détournée d'éviter de se confronter à des idées qui ne font pas toujours notre affaire, qui ne rentre pas dans le schème de notre construction mentale, notre monde organisé sur des valeurs que nous croyons fondamentales. Le problème n'est pas d'avoir des opinions, mais de s'identifier à celles-ci.

 

Nous développons ainsi cette forme de repli sur soi que l'on nomme tolérance. 

 

Cette approche fragmenté de la vie nous sépare les uns des autres et finit toujours par des conflits plus ou moins importants.   

 

Il existe un lien entre la passion et l'attention.

 

Une attention soutenue tend à faire taire notre "moi". Le "je", notre personnalité s'efface devant l'objet de notre attention. Nous devenons perception. L'espace entre nous et la chose observée disparaît. Il n'existe plus l'observateur et la chose observée mais seulement le fait de percevoir. Ceci est passionant et en même temps vérifiable par tout un chacun. L'attention soutenue requiert et produit en même temps un calme et une suspension de la pensée qui se rapproche de la méditation. 

 

Prenons un exemple.

 

Je regarde une maison. Au moment où mon regard se pose sur l'objet ma pensée se déclenche et nomme l'objet (ou réagit en faisant des considérations sur ce que je vois): maison. Une image s'est formée et me rend inattentif. L'image, le fait de mettre un nom sur la chose m'en éloigne immédiatement. Je suis dans le domaine des idées et des conclusions. Je ne vois plus la maison mais seulement l'idée que je me fais d'une maison. 

 

Que se passe-t-il si je reste simplement avec la perception de cette maison? 

 

Ainsi nous vivons la plupart du temps dans le monde des idées, des images préfabriquées. Nous vivons dans le passé, dans un monde peuplé de conclusions (l'image) qui tend à nous faire agir en robot, en machine, réagissant constamment avec de vieilles idées. Le présent est évacué pour faire place à de l'inattention. Nous évacuons le fait par de la pensée.

 

Anodine en apparence, cette approche ouvre des perspectives vraiment intéressantes. Elle permet de voir et se voir avec une accuité renouvellée. Elle met aussi en lumière nos conditionnements, ce que l'on appelle la culture.

 

Ainsi me voir comme québécois est une forme d'inatention. Me définir comme musicien idem. Et ainsi de suite! Quand on parle de "se construire" (mot à la mode!) on parle essentiellement de construire une image de nous-mêmes! Que peut-on "construire" sur quelque chose de vivant, de constamment en mouvement? Je suis ceci ou cela, non-violent, charitable, catholique, musulman, capitaliste, nitzschéen, anarchiste, freudien, canadien, chilien etc. Autant d'images et de constructions mentales qui nous éloignent du fait. Encore une fois, je ne nie pas l'utilité de la mémoire mais veut lui donner sa juste place.

 

L'école est un lieu de transmission de la connaissance. C'est ainsi que l'on conçoit l'éducation dans une large mesure. Ceci reste qu'une partie de ce que devrait être cette éducation à mon sens. 

 

L'école, si nous voulons qu'elle forme des gens vraiment libre, devrait être cet endroit où on présente notre culture et celle des autres comme, dans une certaine mesure, des formes de conditionnements. Malheureusement, le manque d'attention (qui n'est pas forcément passager) fait que nous acceptons ces conditionnements comme étant l'unique façon d'appréhender le réel. Cette approche partielle devient un sérieux problème quand nous nous identifions à nos conditionnements. 

 

Nous vivons dans la culture de l'inattention.  

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Published by Yannick Rieu - dans Culture