Dès qu'on s'intéresse à la littérature philosophique on ne peut éprouver qu'une sorte de vertige.
Une telle masse de réflexions, pensées, concepts, théories, conclusions, affirmations, propositions élaborés depuis quelques millénaires et disponibles aujourd'hui à de quoi donner ce vertige qui peut même aller jusqu'à la nausée.
Nausée, quand on prend conscience de cette somme fabuleuse de savoir et que nous regardons, observons notre monde finalement si étriqué, proccupé par des stupidités, mesquin dans son organisation, on se demande avec quoi toute cette connaissance peut bien rimer.
Ou alors c'est regarder par le petit bout de la lorgnette?
Philosophie: domaine constitué par un ensemble d'interrogations sur le rapport de l'Homme au monde et à son propre savoir. Projet qui consiste à vouloir dégager la structure rationnelle du monde.
Je m'interroge.
Vouloir étudier le monde (ici je parle du monde psychologique) par le biais de la pensée m'étonnera toujours. Vouloir examiner le vivant, cette chose constamment en mouvement, avec quelque chose de mécanique (la pensée) est voué, non pas forcément à l'échec (quoique...), mais à l'élaboration d'une infinie séries de théories plus ou moins pertinentes. Je ne dis pas que c'est sans intérêt (bien voyons)!
Il y a un fait cependant. Nous avons (Si l'étude de l'Homme nous intéresse) la matière première sous la main: Nous-mêmes! Soi et sa relation au monde.
Étudier le phénomène de la vie comme quelque chose "d'extérieur" donne des concepts intéressants mais souvent compliqués (par forcément complexes) et, fatalement, inutiles, nous aidant en rien, si ce n'est qu'à nous rendre un peu plus confus. Ainsi des théories du vivant, austères parfois, naissent, coupées de...la vie, concepts devenus autonomes, déracinés de l'objet même qui était à l'origine de la recherche.
Je crois qu'il est triste voire dangereux de tomber dans l'étude pour l'étude, de perdre de vue la raison toute simple du questionnement philosophique qui est, pour moi, de vivre mieux, en accord avec moi-même, les autres et la nature (dans son sens le plus large). Le monde.
Ou alors nous risquons de devenir ce spécialiste, coupé et fragmenté comme ce physicien qui met au point la bombe atomique sans mauvaise conscience, embrassant ses enfants au retour du boulot, ou, plus près de mon sujet, ce philosophe perdu et reclus dans une pensée qui l'a finalement coupé du monde, de la vie, de lui-même. Théoricien menant parfois une vie en complète opposition avec ses recherches.
Que vaut la réflexion si elle ne débouche pas sur l'action?
Toute réflexion philosophique, me semble-t-il, devrait avoir pour point de départ et d'arrivé si je puis dire, notre propre existence. Voilà la matière première.
Comprendre soi pour comprendre le monde, car ce monde, après tout, n'est que le reflet de nous-même.