J'aimerais me pencher un peu sur cette question de nationalisme. Sujet à prendre avec des pincettes car le nationalisme fait appel à des sentiments identitaires profondément enracinés et bien entretenus par les différentes cultures autour du monde. Regardons pourquoi cette idée qui a causé tant de conflits et d'atrocités est toujours une idée qui a le vent dans les voiles, si je puis dire. Pourquoi reste-t-elle si populaire et si vivante encore aujourd'hui?
Il m'apparaît évident de prime abord que cette idée de nationalisme est bien ancrée dans notre mentalité, dans notre culture, au point de rarement la remettre en question voire de trouver farfelu de le faire. Depuis l'enfance on nous présente cette vue comme une évidence: le fait que les pays ont toujours été et seront toujours. Cette idée a été, au cours des siècles et des millénaires, chanté, mis en poèmes, glorifié etc.. Je me rends bien compte que remettre cette idée en cause, la considérer comme suspecte ne sera pas ou peu écouté ou alors pris comme une absurdité et qualifié rapidement d'inutile et/ou non réaliste. Sauf exception.
L'idéal nationaliste est perçu comme quelque chose de noble, d'admirable. Forme de tribalisme qui n'en porte plus le nom: on se veut évolué par rapport à l'esprit tribal de nos ancêtres et pour nous convaincre que cette idée de nationalisme est quelque chose de plus évolué et civilisé que l'amour de la tribu, nous lui avons donné un autre nom. C'est la même idée.
Aimer son pays, la fierté d'appartenir à une communauté, quelle qu'elle soit, grande ou petite, donne le sentiment de faire partie d'un ensemble et on y trouve une grande sécurité psychologique et physique. Toute humaine que soit cette recherche de sécurité, je ne suis pas certain que le réflexe de se regrouper autour de sa langue, sa culture, ses origines, son ethnie, sa religion, sa situation géographique ou quelque particularité servant de point commun, donne les résultats escomptés: une plus grande sécurité.
Cette sécurité temporaire ouvre en fait sur des problèmes et conflits qui eux, seront pratiquement permanents. Notre recherche de sécurité débouche en fait sur une plus grande insécurité.
Il me semble l'évidence même que la séparation (à tous les niveaux) amène les conflits. Il est bien entendu aussi que des différences existent, bien réelles. Le (les?) problème commence lorsqu'il y a identification à ces différences. Tôt ou tard, nous devrons défendre ce qui fait de nous des êtres à part, différents et particuliers. Nous serons appelés à défendre nos différences contre d'autres différences, devenues des murs pratiquement infranchissables, la diversités n'étant plus considérée comme une richesse mais comme une agression contre nos valeurs. On veut bien de l'autre et sa différence mais à petite dose! Ainsi un mot comme "tolérance" peut faire son apparition et être considéré comme une mot et une attitude illustrant notre civilité et notre grande souplesse face à ce qui est différent de nous.
Il est intéressant de noter que cette identification à nos particularités, ces notions de différences ne sont pas innés mais acquises par l'éducation. L'enfant en bas âge n'a pas cette notion de fierté de sa différence. On pourrait se poser la question à savoir pourquoi cette conception de l'identification nous est transmise (parents, écoles, entourage) et, constatant les ravages qu'elle cause, pourquoi elle perdure.
Faut-il seulement rappeler que l'histoire de l'Homme, celle apprise à l'école à tout le moins, est celle de ses guerres, de ses conflits petits et grands, de ses rois, reines et autres chefs envahisseurs ou envahis? L'Histoire de l'être humain c'est l'histoire de ses conquêtes, de ses tueries, de sa violence millénaire. Pas beaucoup d'évolution de ce côté, il faut se l'avouer.
En nous identifiant à quelque chose de plus grand que nous, à un projet qui nous dépasse nous mobilisons des énergies, notre enthousiasme. En regardant le passé, on peut se rendre compte que le nationalisme a permis de réaliser de grandes choses. Nous nous donnons des buts à atteindre, imaginons un idéal et tentons de nous "coller" à cet idéal. Soit!
Mais je pose la question: le prix à payer n'est-il pas trop lourd?