On trouve toutes sortes d'occasions et d'opportunités pour se définir, se distinguer, sortir du lot, se caractériser. On se veut unique et indépendant, particulier dans notre démarche, original et, finalement, isolé.
C'est un réflexe culturel que de mettre beaucoup de temps et d'énergie à construire des murs, des remparts (qui ne sont pas considérés comme tels) autour de notre personne et en même temps ce même réflexe culturel nous fait palabrer sur l'importance de s'unir, d'être ensemble, de collaborer, d'édifier une société soudée.
C'est donc tout "naturellement" que nous mettons un fort accent sur notre moi, le développement de celui-ci, la misère et les conflits incessants pouvant être observés comme résultats reliés directement à cette culture du moi.
Nous trouvons toutes sortes de raisons pour justifier une telle approche (qualifiée de raisonnable et inéluctable par beaucoup) malgré la faillite de plus en plus perceptible et évidente de nos sociétés.
Nous parlons de l'importance d'avoir une culture générale, c'est-à-dire un ensemble d'informations touchant un large éventail de nos savoirs concernant tel ou tel domaine malgré le fait évident et observable que cette culture générale est axé sur la mémoire. Sur le passé.
Il me semble que la connaissance de soi-même, l'ensemble de nos relations avec l'autre ne peut passer par un savoir qui provient du passé. Ou alors nous ne ferons qu'appliquer des recettes élaborées par d'autres, des idées et des concepts qui ne tiennent jamais compte du présent. Autrement dit "ce qui devrait être" (projection d'un idéal dans le futur) ou "ce qui a été" (tout ce qui concerne la mémoire) est plus important que ce qui "est". L'idéal comme but à atteindre devient un masque et une espèce de refuge bien confortable. Nous évacuons ainsi toute la richesse du moment présent pour se réfugier dans des idéaux plus ou moins nobles.
Rarement nous nous penchons sur le "comment penser". Nous préférons, par confort, peur ou peut-être paresse, parler du "quoi penser". Cette culture générale si importante aux yeux de beaucoup de gens, le "quoi penser", n'apporte pas de solutions sur le "comment penser". Je dirais même qu'elle évacue cette question la plupart du temps. Le savoir ne saurait être un refuge et il l'est quand presque toute l'éducation s'appuie sur la mémoire.
Nous formons des individus "programmés", habiles voire rusés, capables de se sortir du lot, trouvant éventuellement du travail, sortant leur épingle du jeu, s'adaptant à une société immorale et injuste, brutale, violente où la paix n'est qu'un idéal, quelque chose de lointain et, selon certains, inatteignable, utopique.
Nous (dé)formons nos enfants afin qu'ils s'adaptent à quelque chose de bien laid dans son ensemble. Nous leur apprenons que l'isolement et l'égoïsme sont dans l'ordre des choses et que la compétition peut-être saine.
Nous trouvons cela tout naturel...
Nous faire prendre conscience de nos conditionnements me paraît être la première tâche de l'éducation. Pour le moment elle forme, dans son ensemble, des gens voulant se conformer, conditionnés à vouloir réussir et survivre dans un monde chaotique.
La réussite, à ce moment, est une défaite.