Je me demande pourquoi nous avons cette habitude et cette propension à classifier les genres de musiques. Mettre en boîte, définir, compartimenter, comparer. Ce faisant il me semble que le pas suivant, et il est souvent franchi, est d'exclure ce que les autres tentent de faire et/ou de proposer. L'homme, vivant toujours en mode tribal (famille, nation, communauté), tend à exclure ceux qui ne font pas parti de sa "famille", quelle qu'elle soit.
La musique digne de ce nom, justement, ne va-t-elle pas au-delà de ces tentatives, souvent malhabiles, de vouloir tout définir et séparer? Ne propose-t-elle pas autre chose? N'ouvre-t-elle pas sur un autre possible, sur d'autres possibles?
Vous pardonnerez, j'espère, le fait que je parle un peu de moi ici.
J'évite de m'auto-cataloguer ou me définir dans un genre ou style particulier. Les autres le font à ma place. Je suis ainsi étiqueté "jazzman".
Pour certains je suis trop moderne, pour d'autres je fait une musique qui ne m'appartient pas (le jazz étant une musique essentiellement "américaine", selon les gens dotées d'un jugement sectaire). Pour ma part je ne sais pas.
Si le jazz se résume au fameux concept du "swing", d'un balancement rythmique typique à cette musique, je ne suis pas un jazzman. Mes propositions ne visent pas et ne vont pas toujours dans ce sens. Je ne cherche pas non plus l'abstraction harmonique où la tierce majeure ou la quinte sont proscrites d'emblée-la consonance- et où la neuvième bémol et la quinte augmentée-la dissonance- sont pour ainsi dire "morales" dans un monde où l'étrange et le bizarre tiennent lieu de créations originales.
Pour moi, décider de m'investir dans un genre de musique ou l'autre proviendrait d'une sorte de snobisme sectaire où l'aventure est finalement absente voire proscrite. D'un autre côté, le nouveau pour le nouveau n'est certainement pas gage de pertinence et reste somme toute quelque chose de puérile. L'honnêteté et la transparence me semble être le fil devant relier les différentes approches possible en musique.
Rien de plus fâcheux que de voir des jazzmen, musiciens pratiquant une musique dite actuelle ou encore ceux qui se qualifient de spécialistes de la musique contemporaine ou classique (que des dinosaures appellent encore "sérieuse") bref, tous ces qualificatifs que l'on donne aux sons et rythmes selon des critères préétablis, voir donc tous ces gens s'enfermer et s'auto-étiqueter, le tout ne servant qu'à se distinguer les uns par rapport aux autres. On qualifie de raciste l'étiquetage et le jugement d'êtres humains par leur couleur de peau, pourquoi fait-on une différence lorsqu'il s'agit de musique? N'est-ce pas tout aussi dénué de sens?
Comprendre la musique, tout comme un Homme, c'est rendre sensible à ce qui fait sa valeur. Dépasser la surface pour quérir la richesse. Dépasser les clivages. Déceler dans des oeuvres aussi différentes que par exemple, Haëndel, Hendrix, Webern, Debussy, Coltrane, Dutilleux, Bach, Zappa, toute la richesse que ces musiques renferment, au-delà du style, c'est faire preuve d'une capacité d'analyse ne se limitant pas à ces barrières futiles qui nous sont proposées et dans certains cas imposées.
La musique rassemble. Malheureusement, même dans ce domaine, les Hommes veulent à tout prix séparer, quantifier, jauger, nommer, hiérarchiser, cataloguer.
On ne fait pas de musique par réaction à ce qui existe déjà ou à ce qui s'est fait. On ne pratique pas un genre de musique en réaction à ce qui nous entoure, on élabore pas un style avec des concepts préétablis. Pour moi cela n'a aucun sens et paraît même suspect à maints égards.
Le style n'est pas une pose. Le style c'est moi, ce que je suis, et comme je suis vivant et donc mouvant mon style sera de même. À la rigueur on pourra dégager un style (des styles?) à la fin de mon parcours...
En attendant je refuse les catégories et les boîtes dans lequel quiconque voudra m'insérer.
À l'instar de mon passeport, je peux à la limite accepter des définitions temporaires, figées et réductrices de moi-même et de ce que je fais, mais seulement pour des raisons pratiques.
En fait, tout cela ne me concerne pas.