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24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 09:26

Pas facile de se remettre du décalage horaire lorsqu'on revient de Chine. 12 heures! Le monde à l'envers qu'il faut remettre à l'endroit...Tout un défi! Mon corps fait la gueule et se réveille au milieu de la nuit se demandant ce qu'il doit faire... Il est donc 3 heures du matin, la lune se lève aussi pour ne pas me laisser seul. Magnifique, orange presque rouge, je la sens encore bouffie de sommeil, gênée peut-être d'avoir passé une nuit blanche de l'autre côté de la terre! De mon petit bureau où j'écris je la vois qui prend des forces minute après minute, bientôt elle aura la couleur métallique qu'on lui connait, argent mais certainement pas "sonnant". Plutôt calme comme cette nuit, comme mon village.  

 

J'habite une ancienne maison de notaire qui date du début du 20ième siècle. Grande, confortable, d'une construction qui a l'air de vouloir défier les années, née avant moi, elle sera sûrement encore là lorsque je quitterai ce monde.  Face à mon bureau une fenêtre qui donne sur la rue principale me fait voir l'église, gigantesque construction pour un si petit hameau. Prétentieuse par sa grosseur mais de piètre qualité en ce qui concerne la qualité de sa construction, le toît n'est pas isolé, une hérésie pour le Québec! On fête ses cent ans cette année mais elle paraît en avoir le double. Des gens, peu nombreux, la fréquentent encore, un peu comme on visite un mourant. On y dit quelquefois la messe, célèbre quelques mariages par année mais surtout on y pratique des cérémonies mortuaires. La moyenne d'âge de mon village dépasse les 65 ans...

 

Mes voisins immédiats viennent d'aménager depuis peu. Un couple gentil qui fait sa petite affaire. Une mère et son fils, tout les deux à la retraite. Couple étrange qui coupe tous les arbres sur leur terrain parce que ça fait sale, passe le balais à longueur de journée sur le trottoir, devant leur maison, été comme hiver, plante des fleurs en plastique pour égayer leur monde. Tous les jours ou presque, le fils part en "quatre roues" vers des aventures sûrement palpitantes et risquées dans la forêt toute proche sous l'oeil inquiet de sa mère qui attend anxieusement le retour de ce fils aventureux et pas vraiment prodigue. Heureusement ses escapades ne durent jamais trop longtemps!

 

En face de chez moi, il y avait un superbe presbytère, le plus vieux de la MRC d'Autray (c'est dans Lanaudière). "Il y avait" parce qu'on l'a déplacé dans le fond du terrain, presque invisible, pour faire place à une caisse populaire à l'architecture d'un goût plus que douteux qui est supposée se fondre avec les autres bâtiments qui l'entourent: l'église citée plus haut et le CLSC fait de grosses briques grises. Un gros cube qu'on aurait déposé sur le gazon peut vous donner une idée de la finesse de cet immeuble qui fait quand même 5 étages! Un autre cadeau laissé par la religion catholique dans le temps où elle en menait large.

 

À gauche du CLSC survit une maison faite de briques rouges qui semble abandonnée. Son propriétaire demeure à Québec et ne vient que de temps en temps. C'est un monsieur qui, comme sa maison, semble abandonné. La dernière fois qu'il est passé, c'était pour constater qu'un mur s'était écroulé sous les vibrations occasionnées par les travaux de son voisin. En effet, un énorme magasin, vu la grosseur du village, est en construction et remplace en partie un restaurant parti en fumée de façon opportune quelques semaines plus tôt. En gros ce commerce s'occupe de vendre des moteurs: tondeuses, "quatres roues", motos, scies à chaîne etc. C'est un amoureux (c'est ce qu'il m'a dit) du lac, de la nature. C'est lors d'un souper, presque les larmes aux yeux, qu'il m'a raconté ses grandes marches le long de la plage et ses projets pour "développer" ce superbe coin de pays. 

 

Continuons notre visite. Voisin de cet amant de la nature se trouve un Rona, autre cicatrice architecturale. Là on ne s'est pas embarassé. On a reconstruit ce flambeau du mauvais goût après un incendie (St-Gabriel est particulièrement inflammable) qui a emporté l'ancienne quincaillerie. Énorme, car décidement on construit beaucoup par ici, laid comme seul un Rona peut l'être, il est le centre des gens qui bossent et qui ont toujours des projets à concrétiser. Les bâtisseurs du Québec de demain. Genre Laval.

 

Dans la foulée on retrouve, toujours en allant vers la gauche une pharmacie, des bureaux de notaires, une maison mortuaire, une boulangerie abandonnée et pour finir de ce côté de la rue, un Métro qui par sa taille rivalise avec l'église. Contrairement à celle-ci, cette épicerie est très fréquenté et par des vieux qui se retrouvent au "café" (quelques chaises et tables à l'entrée) pour se rencontrer et toute la communauté St-Gabrieloise. Faut bien bouffer. Ce Métro tout neuf (sa rénovation et agrandissement date d'à peine un an), a été inauguré en grande pompe. Tout le village a été invité comme pour une exposition, un évènement mondain. Son propriétaire vous recevait personnelement à l'entrée, vous serrant la main en rêvant peut-être aux bénifices mirobolants que son nouveau bébé rapporterait. Il faut dire que ce Métro propose des prix qui, souvent, sont presque le double des prix que l'on rencontre à 35 kms d'ici, soit Joliette. C'est lors du même souper avec notre visionnaire amoureux des espaces verts, que cet épicier m'a confié que les principaux bénéfices provenaient de la vente des gâteaux, biscuits,bonbons, chocolats et des plats congelés. Les deux extrémités de son magasin sont en effet les deux pôles d'attractions du client. La patisserie constitue l'entrée et est garnie de desserts plus écoeurants les uns que les autres, décorés de couleurs qui "n'existent pas" (des bleus plus bleu que bleu pour les gateaux aux bleuets, des rouges fraises qui rappellent le sang, des jaunes qui font apparaître le soleil fade etc.), et la dernière allée (immense!) propose tous les plats congelés que les citoyens ne prendront jamais le temps de faire.  

 

Si on va maintenant à droite de ma demeure, un espèce de bunker gris, qui est en fait un bloc-appartements, trône sur le coin de la rue et de l'autre côté de cette rue on trouve une belle auberge à vendre. C'est là que j'allais déjeuner de temps en temps, la cuisinère y préparait des pommes de terre grillées et assaisonnées à points! Plus bas, on retrouve quelques maisons et un dépanneur fermé depuis le printemps. Toujours en descendant la côte on rencontre des maisons de retraite (dans tout St-Gabriel, on peut en compter au moins 7 et pas des petites!).

 

On arrive enfin à ce magnifique lac, le lac Maskinongé. Chaque année, depuis des lustres , on y organise une "fête" qui se nomme "Beach Party" (party à la plage) et qui dure une fin de semaine. Musique rock à plein tube, joints et bières coulants à flot, cette fête attire surtout des jeunes. La dernière fois qu'elle a eu lieu, j'ai compté pas moins de 15 ambulances qui sont passées devant chez-moi, toute sirène dehors, se dirigeant vers l'hopital de Joliette afin de donner les premiers soins à ces (trop) joyeux lurons. La ville a aménagé le terrain aux alentours de la plage, construit une scène et un bar pour acceuillir les touristes. Elle a donné pour nom à ce projet "Parti à la plage"...Notez la subtilité de l'orthographe. Je me rends au lac avec mes filles quand le temps le permet, le matin, car après 11 heures les motos-marine et autres bateaux à moteur rendent l'endroit...bruyant!

 

À l'entrée du village on peut admirer la sculpture d'un ski-doo avec l'inscription "bienvenue au royaume de la motoneige".

 

St-Gabriel c'est tout ça. Mais c'est aussi des gens qui ont le coeur sur la main comme mon ami André, grand voyageur, homme-à-tout-faire, spécialiste de la démerde ou encore Laurent, électricien qui pratique des prix des années 70. C'est aussi Jeannine, femme d'un âge certain ou d'un certain âge, pleine d'énergie aux yeux pétillants de jeunesse, c'est aussi ce restaurant sans aucune prétention qui sert des plats typiquement québécois (trop salés, trop sucrés, pas de goût) mais dont la propriétaire et les serveuses sont d'une sympathie qui vous font oublier ce qu'il y a dans votre assiette! C'est aussi Gilbert, parti trop vite, emporté par un cancer de la gorge, amoureux de musique et de jazz en particulier, qui organisait dans l'arrière de son restaurant des concerts où les gens du village s'entassaient pour écouter cette musique. C'est Stéphanie qui garde mes chats lorsque je suis en tournée et qui les couvre de câlins.

 

Le soleil se lève et mon corps se demande bien ce qu'il fout là (le soleil) à cette heure. Mon corps ne sait plus ou il sait trop. La lune est encore présente, les gens vont travailler et moi, je vais me coucher. C'est vraiment le bordel... 

 

Rien de parfait dans ce monde sauf la nature, les astres, les animaux...Mais qu'est-ce que je fais ici!

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Published by Yannick Rieu - dans Culture