Mon père était un mordu de bateaux à voile et sa bibliothèque regorgeait de livres racontant les aventures de marins de toutes les époques.
J'ai souvenir des Slocum, des Moitessier, des Éric Tabarly et ses innombrables Pen-Duick, des Alain Colas et son Vendredi 13 (superbe 3 mâts conçu pour être manoeuvré par une seule personne) et une foule d'autres fous de mer. Le récit de leurs voyages me rivait à ma lecture et allait jusqu'à me laisser un goût de sel dans la bouche.
Partager avec eux les ciels étoilés, le vent (les vents!), les grains, les calmes lancinants, les rencontres surprenantes, la solitude (j'avais-et j'ai encore-une prédilection pour les navigateurs solitaires), la faim, le froid, l'anxiété, cette communion avec les éléments, ce face-à-face avec soi-même. Les préparatifs, la débrouillardise, l'endurance, le désespoir, la douleur physique et morale, le triomphe parfois.
Arrivait inéluctablement un moment où ceux-ci étaient aux prises avec des tempêtes, des ouragans, des coups de vent creusant la mer transformant celle-ci en une suite de montagnes qu'il fallait inlassablement monter et descendre. La science et l'instinct pour prendre ces vagues parfois monstrueuses dans le bon angle et toujours recommencer. Attention soutenue et vitale pendant des heures et soudain LA vague qui remettait tout en question.
Je me demande parfois jusqu'à quel point ces lectures n'ont pas influencé mon parcours musical, toute proportion gardée.
Nous surfons sur des vagues, petites ou grandes, nous changeons nos angles de vues en fonction du vent qui souffle et des vagues qu'il creuse. Les tempêtes nous blessent, nous heurtent et si nous nous en sortons, nous rendent plus forts, plus sensibles mais aussi plus expérimentés et armés pour les prochaines. Désolé pour le cliché.
Armés de vulnérabilité. On ne se bat pas contre une tempête...On la laisse passer. On baisse les voiles, attentif et sur le qui-vive. L'action est souvent dans le non-agir.
Ce qui nous entoure nous parle si nous sommes assez modestes pour écouter. Si nous sommes assez seuls pour avoir l'audace de voir.
Ces vagues qui font la vie iront mourir, tôt ou tard, sur une berge quelque part. Là reside peut-être toute leur beauté.