Est-ce que les expériences que nous faisons au cours de notre vie sont aptes à nous apprendre quelque chose sur le comment vivre?
Lorsque je parle d'expériences on classe presque immédiatement celles-ci en deux catégories: les positives et les négatives. Qu'en est-il? Ce réflexe est-il le bon? Pourquoi qualifier de telle sorte ce qui nous arrive?
Les expériences ne nous amènent-elles pas à développer des réflexes de défenses, des murs qui ne sont pas toujours adéquats face à la vie? Vivre avec le passé pour appréhender le présent? Voir avec les yeux du passé pour comprendre le maintenant? Est-ce vraiment raisonnable?
Il n'est pas évident de se débarrasser du passé, d'être neuf à chaque instant. Cela demande une grande quantité d'énergie et cette sorte de courage qui est d'abandonner ce qui nous structure et ce qui fait de nous ce que nous sommes, ce "moi" qui expérimente et se veut le centre et le lien discontinue entre hier, aujourd'hui et demain.
La mémoire gardant les nombreuses images que nous avons de nous-mêmes, des autres et de ce qui nous entoure, est l'élément principal qui nous donne l'illusion d'un noyau au travers duquel tout passe. Cette fonction, utile pour l'apprentissage d'un métier, d'une langue, de tout un savoir technique indispensable pour vivre devient un piège dans certains cas.
La mémoire devient un piège lorsqu'il s'agit d'appréhender le présent. Seuls des yeux complètement neufs peuvent voir ce qui se passe dans l'instant, ce qui est vivant, ce qui survient maintenant en nous-mêmes et à l'extérieur de nous-mêmes. Voir avec les yeux du passé nous éloigne des choses et des êtres qui nous entourent, devenues (avec la mémoire) des images, des représentations fabriquées de toute pièce par l'expérience, les traces que laissent en nous ces expériences.
N'y a-t-il pas une grande beauté dans le fait d'être vulnérable? Ces murs que nous nous sommes construits ne sont-ils pas une source de souffrance et de douleur? Cette image construite, parfois avec une grande habileté (elle sera d'autant plus monstrueuse par le nombre de calculs, de fausses représentations répétées) n'est-elle finalement qu'un mur derrière lequel nous cherchons la sécurité?
Nous croyons être à l'abri derrière ce mur alors qu'il est la source même de notre malheur, de notre insensibilité, de notre indifférence. Il est la source de cette opacité que nous prenons, que nous voulons prendre pour de la transparence. Ce mur devenant enceinte au fil des ans et des expériences ainsi accumulées doit être défendue par toutes les "attaques" de la vie, par ce qui est nouveau et (forcément) déstabilisateur.
Derrière ce mur, nous percevrons tout ce qui est vivant comme une menace à notre intégrité. Nous pataugerons ainsi dans une mare sans oxygène considérant la moindre source rafraîchissante comme une tentative de percer ce mur si réconfortant. Le beau, le bien, le raisonnable, bref les questionnements qui ne vont pas dans le sens de notre image, devenant ennemis éventuels.
Nous devenons ainsi des tyrans "fonctionnels", ouverts en apparence...
Gare à celui qui ne pense pas et ne vit pas comme nous!