Ma première année de saxophone s'est déroulé en France, à Rennes, capitale (chef-lieu dirait-on en France) de la Bretagne. Ville de province traversée par la Vilaine, rivière qui porte bien mal son nom puisque calme, elle suit son petit bonhomme de chemin dans la campagne Rennaise, s'arrêtant ça et là pour mieux goûter le paysage champêtre, abritant poissons et plantes de toutes sortes.
Nous habitions un appartement dans le centre de la ville, juste à côté du Palais de jusitice, batiment datant du 17ième siècle flanqué d'un petit parc où j'allais me promener parfois avec mes parents. En fait, on ne se promenait pas dans ce parc, on ne pouvait que le traverser en ce sens que si vous décidiez d'emprunter un chemin, quel qu'il soit, il vous emmenait systématiquement de l'autre côté, ne vous laissant l'unique choix que de faire demi-tour. Il n'était pas question d'aventures dans ce parc, c'était un parc pour les personnes sages, les pigeons et quelquefois les dineurs qui engouffraient à la hâte un sandwich le midi, avant de retourner travailler. C'était un parc de Palais de justice.
L'appartement était, lui aussi, petit, et donnait sur une cours où l'on pouvait apercevoir nos voisins où que notre regard se portait. J'éxagère à peine en vous disant qu'il était presque aussi haut que large car les plafonds semblaient se perdre et avoir été conçus par et pour des géants. Mon frère et moi partagions l'unique chambre, mes parents se contentant de l'autre pièce qui jouxtait la cuisine. La vie se passait dans la salle à diner, finalement la pièce la plus convivial et "spacieuse". C'était un vieil appartement construit et pensé, comme le parc, pour "passer" et non pour y vivre. En effet, les activités se déroulaient à l'extérieur.
J'avais découvert, tout en haut de l'immeuble, un grenier, fourre-tout où les locataires, apparemment depuis des siècles, avaient laissé tout un bric-à-brac et où les vieux meubles couverts de poussière cotoyaient les lampes, lustres, malles, boîtes de toutes les formes et formats. Que de trésors, aventures et mystères ce grenier recelait! J'y avait découvert une série de vieilles bande-dessinées et, régulièrement, j'allait me régaler de ces lectures qui dataient, dans mon imagination, d'un temps lointains, laissées là par des enfants qui avaient depuis longtemps disparues. Je communiquais avec eux par le biais de ces livres. Je touchais quelque chose que des mains avant moi avaient touché, mains d'une autre époque qui avaient connu les guerres, l'occupation...Peut-être même avant!...Les chevaux, les débuts de l'aviation, les longues robes à crlnoline, les chapeaux à plumes...J'imaginais ces enfants me regardant tels des fantômes, je baignais dans une sorte de rêves et n'aurais pas été surpris de voir sortir d'une de ces malles une jeune fille aux cheveux bouclés m'invitant à jouer au cerceau ou à la poupée...
Le lycée Anne de Bretagne était l'école du quartier. J'avais 13 ans et j'étais dans une classe (à ce moment) expérimentale où la journée était, le matin, consacrée aux cours réguliers (mathématiques, français, histoire, anglais etc.) et l'après-midi, Ô joie!, à la musique. Ces cours se passaient au conservatoire situé à deux pas du lycée et donnés par les professeurs réguliers de cet établissement. C'est ainsi que je me suis retrouvé, moi, débutant le saxophone, avec Roland Audefroy, saxophoniste ténor dans le prestigieux Quatuor National de France! Personnage haut en couleur, pilote et passionné de musique et de saxophone, il fut pout moi le personnage central, avec quelques autres, de cette année (1973) qui confirma mon désir d'apprendre la musique. À ce moment, je ne le savais pas encore...
(À suivre...)