Le silence. Celui par qui tout arrive. Celui d'où l'on vient et vers qui on se dirige. Le silence est un personnage. Sagesse et perfection. Entre ces deux silences qui ne font qu'un, une vie, du bruit, des cris et pleurs. Quelques moments de bonheur arrachés par hasard, presque magré nous, au terreau d'une vie pourtant si fabuleuse quand on lui donne la chance d'être, d'éclore.
Par notre ignorance et notre manque d'attention journalière, nous transformons ce joyau en une lutte sans fin et, après tout, inutile. Nous passons à côté, préoccupés de façon maladive par notre petite personne. Nos projets, nos succès, nos opinions, nos valeurs combien discutables et peu discutés sont devenus le centre. Nous sommes le centre avec toute la prétention que cela implique, la brutalité, l'indifférence caché sous de tonnes de charité et de bons sentiments. Nous sommes boursouflés.
Parce que cette conscience, il faut la faire taire. Elle dérange nos plans. On sent bien que quelque chose ne va pas mais on fuit, on tait, on contourne, on ignore, on fait mille contorsions pour éviter de se voir en face. Ce serait trop laid à voir...
Alors on court au devant de soi, en avant, on se "dépasse" et performe, s'illusionnant sur le fond. On court parce que tout le monde court, on a peur de se faire dépasser par les gens et les évènements. On ne réfléchit plus, on éduque nos enfants dans cette voie malsaine et suicidaire sans se poser de questions. On veut et souhaite qu'il nous ressemble pour se sentir moins seuls. Cet héritage criminel est notre culture et on trouve que cela est bien et bon. Et pourtant...
Nous nous pensons et croyons civilisés alors que notre esprit n'a pas changé depuis des milliers d'années. Nous sommes toujours tribaux, guerriers, violents (toujours pour des raisons humanitaires...), séparés par nos nations, nos idées, nos religions, nos classes, nos races et j'en passe!
Et si nous laissions ce silence nous parler? Si nous le laissions entrer dans nos vies? Si nous arrêtions de gesticuler tels des marionnettes folles et grotesques? Si nous avions assez de cran pour nous voir en face?
Alors on verrait qu'une fleur s'est fanée, qu'un enfant souffre à cause de nous, qu'un adulte s'est perdu en chemin, que la nature étouffe sous nos pas.
Nous verrions que nous sommes une société exténuée, devant un mur ou un gouffre. Nous verrions que nous sommes rien.
Que du silence.