Il m'arrive, dans des moments de lucidités particulières, de me sentir inutile, de faire une musique bruyante, de manquer de profondeur dans ma démarche, bref d'être médiocre. J'ai souvent l'impression que ma (notre) vie se résume à refaire les mêmes erreurs, à parcourir des chemins mille fois empruntés, à tomber dans les mêmes précipices qui engloutissent notre vitalité, notre fraîcheur, notre vivacité.
Nos rapports humains remplis de malentendus tissent une incompréhension mutuelle qui, au fil des ans, ne font qu'obscurcir notre vision. Nous restons là, à la surface des choses, nous contentant de nager ou marcher sur l'épiderme de la vie. Rarement nous plongeons pour voir plus loin, plus bas ou plus haut, plus vrai.
Notre société qui fait constamment l'apologie du succès (quel qu'il soit) fait ni plus ni moins que l'apologie de la brutalité. Car tout succès est brutal. Je le vois tous les jours et ce, à plein de niveaux. Comme j'aimerais sortir de ce cul-de sac qui me force, qui m'oblige à performer. Ce mot odieux mais qui est si banal et accepté dans mon domaine (la musique) m'amène me à poser de sérieuses questions sur mon envie de continuer sous cet angle, de cette façon ma "carrière". Et Dieu sait si je fais attention! Ce n'est pas assez.
Un parfum de compétitivité assez nauséabond, sous-jacent, non-déclaré mais toujours présent pollue toute la communauté dont je fais partie. Je m'en tiens le plus loin possible mais nous vivons dans un si petit monde qu'il est presque suicidaire de procéder de la sorte. De petites "gimmicks" se forment, des "familles", des clans fermés où l'on a tôt fait de juger l'autre comme un ennemi, un concurrent potentiel qu'il faut dépasser ou ignorer...
Il y a aussi ces tapes dans le dos, ces sourires qui cachent des pensées peu généreuses, ces fausses amitiés qui se définissent ou se réduisent à la hauteur de ce qu'elles peuvent rapportées. Les opportunistes avec lesquels il serait inutile de parler franchement parce qu'il vous diraient que les choses ne sont pas "si pires" et que...bah...voyons, c'est cool...vient on va prendre une bière...
Je ne fais pas de musique pour gagner de l'argent, ni pour satisfaire mon égo, ni pour faire passer du bon temps à des désoeuvrés, mais tout va dans le sens contraire! La renommée, si importante! La stature, les futures vedettes que l'on forme dans des "académies" grâce à des profs complaisants qui ont renoncés, ou n'ont jamais été effleurés par un doute quelconque sur cette entreprise combien hypocrite. Ces petits génies qui n'ont de génie que leur mémoire et qui sont d'une violence inouïs, prêts à sacrifier beaucoup de choses pour leur sacro-sainte carrière et qui osent tenir des discours sur leur soi-disante créativité ou leur grande sensibilité! On ne fait plus de différence entre des artistes et des entrepreneurs, des créateurs et des hommes ou femmes d'affaires, spécialistes de propagandes doublé(e)s d'habiles technicien(ne)s.
Attention, messieurs-dames! Il y a encore des yeux et des oreilles qui vous voient et vous écoutent. Qui voient votre sinueux et malodorant chemin. Il y a encore des oreilles capables d'écouter derrière vos notes et vos discours à l'eau de rose. Des oreilles qui écoutent et qui entendent...
Heureusement que dans tout ce fatras, il existe encore des personnes qui vont, bon gré mal gré, à contre-courant de cette masquarade culturelle.
Il n'y a rien qui me rebute plus que cette gauche caviard bien-pensante, "non-violente", cool, poète de salon, charitable...De vrai curé sans la soutane!
Le jupon dépasse de sous vos masques...Arrivistes va! Go far with your business...
Il m'arrive aussi, dans des moments de luciditées particulières, de me mettre en colère...Allez...viens, on va prendre une bière... Colère généreuse comme dirait Brel!