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14 septembre 2011 3 14 /09 /septembre /2011 09:38

Se comprendre pour mieux connaître le monde. Ce monde, cette société sont le reflet de nous-mêmes, de notre pensée, nos aspirations, notre détresse, tout ce qui forme notre être. Nos amours et nos haines, notre manque de tendresse, tout ceci et bien plus se manifeste, colore et fait notre monde. Le comprendre pour mieux l'aimer, pour mieux l'aider, pour mieux y participer. Le voir dans toute son horreur et toute sa beauté. Le voir en face, se voir en face. Sans peurs, sans filtres. Vision pure et vrai. Comme de l'eau, comme un lac, le matin, avant qu'il ne s'éveille. Miroir.

 

Pourquoi sommes-nous si fuyants devant nous-mêmes? La réalité n'est-elle pas supérieur au mensonge, aux faux semblants, au politiquement correct, plus enrichissante et, finalement, plus profitable?

 

J'essaie d'imaginer si en musique, j'utilisais la méthode de "fuir devant les problèmes", où ne pas reconnaître mes faiblesses serait la base de mon étude. Impensable. Apprendre demande, exige la modestie. Reconnaître que l'on ne sait pas est certainement  le début, sinon de la sagesse à tout le moins celui de l'apprentissage! 

 

J'arrivais tôt aux répétitions de fanfare (la fanfare d'Arvida) avec quelques amis, précédé le plus souvent par le directeur, monsieur Perron, qui installait les partitions sur les pupitres, rangeait les chaises selon les sections. Je jouais du saxophone à ce moment-là. J'étais le jeune, je lisais la musique pas trop mal car j'étudiais au conservatoire, endroit prestigieux et honorable, garant d'une éducation musicale sérieuse, classique. Auréolé par le statut que me donnait cette institution, je sentais le respect de mes confrères de pupitre, plus âgés et moins bien entraînés. J'en écoutais pas moins leurs conseils et goûtais la chaude camaraderie qui unissait ces musiciens. Cela me changeait de l'atmosphère quelque peu rigide du conservatoire. J'ai appris beaucoup de ces personnes. Avoir 14 ans et sentir une certaine forme d'admiration venant d'un homme de 60 ans fait réfléchir. J'étais entouré de bonté et d'affection dans cette fanfare.

 

Si je n'avais connu que le conservatoire, j'aurais pu sombrer dans cette élitisme nauséabond et cette prétention insidieuse, souterraine qui marquent parfois la personnalité de ceux qui y ont étudié.   

 

J'avais finalement opté pour cet instrument, le saxophone, trouvant sa forme attrayante et son timbre chatoyant, onctueux et versatile. Je voyais et entendais en fait plusieurs instruments dans le saxophone. J'écoutais surtout des big bands à cette époque: James Last, Jimmy et Tommy Dorsey, Duke Ellington (mon premier achat de partition était un recueil de ses compositions les plus connues). Ce qui me surprenait le plus était le fait que chaque saxophoniste possédait son propre son, son identité, sa marque. Il me semblait incroyable que tant de sonorités différentes pouvaient provenir d'un seul instrument! Le spectacle télévisé de Lawrence Welk, le Lawrence Welk Show me fascinait, non pour la musique, mais de voir tous ces musiciens qui respiraient et vivaient la musique à l'unisson (c'est l'impression que j'avais à ce moment...) me donnait envie de faire de même.

 

 Les débuts ne sont pas forcément glorieux...Mis à part Duke Ellington, mes goûts musicaux étaient éclectiques et parfois douteux! À la maison on écoutait pas mal de musique classique, les grands classiques du classique si je puis dire, les incontournables: Beethoven, Bach, Mozart. J'étais fou des concertos Brandebourgeois (ceux de Karl Richter) et j'ai cette même version sur CD que j'écoute régulièrement encore aujourd'hui. Pour moi inégalable.

 

On écoutais aussi de la chanson française, les grands: Brel, Brassens, Férré, Ferrat.

  

Bach me ravissait, il semblait me parler, s'adressant directement à mon coeur. Bach conversait avec le ciel, sa musique fluide et transparente comme de l'eau, aérienne, semblait provenir du souffle d'un Dieu aimable, courtois et plein d'humour. Aucune tristesse dans cette musique. De la nostalgie, du bucolique mais jamais de réelle et profonde tristesse. Bach sentait l'optimisme à plein nez.

 

Beethoven, lui, se débattait avec les forces terrestres. Sa musique tellurique, souvent sombre, torturée par des forces qui semblaient le tirer vers les profondeurs de la terre m'impressionnait et me faisait presque peur. Je sentais la tragédie de la vie par sa musique. Vaincu et vainqueur, Beethoven est l'achétype de l'humain passionné mais embourbé dans ses sentiments tumultueux. C'est l'homme en cage qui rage de na pas connaître la clé pour en sortir.

 

Mozart me laissait plutôt froid. Ses mélodies apparemment "trop simples" m'ont caché la grande détresse que je sens maintenant, dans sa musique. Le drame des gens hyper-talentueux. La lourde responsabilité que cela entraîne, sans choix possible. C'est Dieu qui vous met une main sur l'épaule et vous demande un coup de main. La grande tension que cet état amène chez lui provoque une musique en apparence vaporeuse, sans conséquence, un peu comme Chaplin qui nous fait rire pour ne pas sombrer dans le désespoir.

 

(À suivre)  

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Published by Yannick Rieu - dans Culture

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