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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 17:43

En quelques heures le vent du nord a nettoyé le ciel. Les feuilles se détachent des arbres et parfois, au lieu de tomber, montent dans le ciel  et vont choir plus loin. Un avion passe, très haut, laissant une mince ligne blanche. Je m'amuse à imaginer la vie à l'intérieur de l'avion. Des gens regardent un film, lisent, dorment, travaillent sur un ordinateur préparant peut-être une prochaine réunion sûrement très importante. Quelques voyageurs, fatigués du long voyage et incapable de dormir font une promenade dans les allées obstruées par des oreillers, papiers d'emballage, gobelets et esquissent quelques mouvements destinés à détendre leurs muscles ankylosés. Des têtes, jambes et bras sortent des sièges, les passagers tentants de s'installer du mieux qu'ils peuvent! Tout cela à 10,000 mètres d'altitude. Tràs peu de gens profitent du magnifique paysage qu'offrent la vue des nuages, du ciel et de la terre vue de haut. Un monde passe. 

 

Je tente de voir ma vie comme si j'étais quelqu'un d'autre, un peu comme ces voyageurs qui ont la chance de voir la terre de si haut. Prendre du recul par rapport à soi-même mais aussi regarder à l'intérieur de soi-même est une aventure toujours renouvellée. Découvrir de quoi nous sommes fait. Non pas qui mais que sommes-nous? Se voir avec les yeux d'un autre, passager de nous-mêmes. Découvrir notre paysage intérieur, non pas pour analyser ou juger mais simplement observer comme on assiste au déroulement du panorama du haut de cet avion. Laisser les pensées passées et s'évanouir d'elles-mêmes, autant de marées qui vont et viennent, de vagues qui meurent sur une grève.

 

Je relis avec bonheur "Pieds nus dans l'aube" de Félix Leclerc et "Attendez que je me souvienne" de René Lévesque. Le roman de Leclerc, tout en finesse, construit sur des observations et souvenirs de jeunesse me rappelle un peu Prévert. Poésie qui prend ses racines dans le vécu. Simplicité des mots, de la construction, pas de sinuosité dans le propos mais une qualité d'observation qui laisse l'émotion traverser les mots. Et toujours cette pudeur, cette classe qui ne retient que l'essentiel des choses, qui nous fait sentir la poésie qui se cache derrière les choses les plus simples. Une vision haute et profonde à la fois.

 

Il y a dans l'écriture de Lévesque, quelque chose se rapprochant de Leclerc. Une sensibilité à fleur de peau. En gagnant un premier ministre nous avons certainement perdu un grand écrivain, et je me demande si on a pas perdu au change...

 

Je me rends compte tout à coup que pour me rendre à mon dernier concert j'ai pris l'autoroute Félix Leclerc et le boulevard René Lévesque...Chacun de ces personnages ont tracé leur chemin, écrit une page d'histoire du Québec, en ont été les témoins et acteurs...et ont fini en bitume... 

 

L'avion est disparu. Ne reste que le fil blanc qui témoigne de son passage. Le ciel est d'un bleu pur.  

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Published by Yannick Rieu - dans Culture

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