Levé avec le soleil ce matin. Un jour qui commence avec toute sa fraîcheur. Tout est nouveau à chaque matin, comme si la nuit avait lavé, nettoyé le jour d'avant. Le monde commence tous les matins. C'est le premier jour et le dernier, le seul. Il passe et jamais plus ne reviendra. Il y a une grande beauté dans tout ceci.
Les corbeaux se réunissent par centaines au bord du lac depuis quelques temps, à tous les soirs. Le matin, ils repartent dans la forêt pas très loin d'ici. J'entends leurs craillements qui enveloppent la douceur matinale. Pour être bruyants, ces sons ne sont pas ceux que les machines émettent, ils font corps avec la nature, ils sont la nature. J'aimerais pouvoir faire une musique qui fasse partie de cette nature, comme j'en suis loin.
Le jazz, musique urbaine. Musique qui parfois, se veut revendicatrice, c'est son origine, elle est née pour cette raison. Sa mère c'est la misère, l'étouffement, la castration d'une race sur une autre et le désir de crier cette injustice, c'est la voix de l'homme qui ne peut être contenu. Voilà les origines de cette musique. Un cri. Un appel. Ce n'est pas un style, c'est le réflexe de l'humain devant la chape qu'on lui impose, quelle qu'elle soit. C'est l'animal qui se cogne aux barreaux de sa cage jusqu'à se blesser. Vivre libre ou mourir. Le jazz, c'était ça. La douleur mis en musique. La liberté mis en musique.
Bien sûr, aujourd'hui le jazz se consomme (qu'elle mot affreux lorsque appliqué à la musique...ou à la culture en général!) assis confortablement ou avec un hot-dog dans les mains. La plupart des musiciens de jazz sont devenus des entrepreneurs qui s'occupent de leur propre propagande, de leur publicité, techniciens habiles se frottant aux donneurs de subventions, aux programmateurs, diplomates, souriants...Tellement cools! Spécialistes et insignifiants, plein de savoir-faire et virtuoses du je-ne-veux-pas-le-savoir-si-c'est-pas-bon-pour-ma-carrière. Un bon toutou qui aime sa laisse, qui mange ce qu'on lui donne sans jamais se plaindre. Le bon jazzman est celui qui ne revendique pas. Comme les temps changent.
Le jazz s'est embourgeoisé. Attention! De magnifiques réalisations sont encore possibles et il s'en fait! Quand je parle de revendiquer, je ne parle pas forcément de sortir dans la rue avec pancartes ou vociférer inutilement, je parle de résistance. Résister c'est être debout, faire savoir qu'on peut jouer le jeu mais que ce n'est qu'un jeu et que ce jeu est pris pour ce qu'il est:un jeu! Brassens, ce doux anarchiste, racontait qu'il traversait la rue aux endroits où la loi le permettait pour ne pas avoir à faire avec la police...Voyez ce que je veux dire?...Affirmer doucement, comme l'eau contourne la pierre et la sculpte au fil du temps. La force de l'apparente faiblesse, c'est le temps.
Le vent sculpte les montagnes.
Le chêne et le roseau, vous souvenez-vous?
Les corbeaux croassent et passent par groupes au-dessus du village.