À l'heure où j'écris ces quelques lignes, Orion se lève, majestueuse, annonciatrice de l'hiver qui s'en vient. L'été elle reste à l'horizon et on ne peut l'apercevoir que si l'on est ou en mer ou dans un endroit plat genre Prairies de l'ouest canadien. Le ciel est limpide, le temps calme, pas de vent, l'air est doux, nuit de fin d'été, début de ma saison préférée, l'automne.
Tout scintille là-haut, tout est d'une clarté et d'une transparence à couper le souffle. Si on regarde attentivement, si on prolonge notre observation on peut ressentir une espèce de vertige devant l'immensité, l'infinie beauté de ce ciel. On imagine et sent notre planète si petite, si fragile et éphémère dans cette mer d'étoiles sans fin. Il faut lever le regard, regarder et voir.
Il faut lever les yeux pour voir mais aussi élever notre esprit pour sentir l'union de tout ceci, la grande force tranquille qui se dégage de toute cette folle beauté. Les mots ne peuvent que corrompre cet état, la pensée aussi. Le silence est le seul moyen de goûter l'infini. Toutes les musiques, poésies, réflexions, analyses, philosophies ne sont que des images,des ombres de cette réalité qui nous entoure constamment et que l'on oublie d"écouter, parce que trop occupé à vouloir la saisir. Or, on ne peut saisir cette réalité que si on se tait. Je parle ici du silence total, extérieur et intérieur. Il existe des silences tout-à-fait bruyants comme celui qui ne dit rien mais n'en pense pas moins...Le silence des gens qui souffrent est une cacophonie qui fait mal à nos oreilles "intérieurs".
C'est dans des moments comme cette nuit que j'aurais envie d'embrasser le monde entier et lui dire qu'il existe quelque part un monde de paix véritable, de silence silencieux, de beauté innéfable.
J'ai envie de pleurer et de rire, de prendre la souffrance du monde dans mes mains et la souffler comme on souffle et fait voler les graines de pissenlits, ses petits parapluies blancs. Je suis la force et la faiblesse de la terre. "Je" n'existe plus. N'existe que l'exquise force de la faiblesse et du néant. L'autre monde est là, tout proche, il colle à mon être et le dissout à coup de silences et de riens, de vides remplis de sens. Tout devient insignifiant et important, tout devient Un.
La mort n'est pas triste pour celui qui la vit mais pour celui qui reste, parfois. Et cette tristesse n'est-elle pas une forme d'égoïsme? De quoi sommes-nous triste? Du malheur d'avoir perdu un ou une amie? De notre sort? La perte d'un être cher est dramatique. La vie est dramatique. Pas la mort.
On doit apprivoiser la mort, en faire notre amie et vivre chaque jour avec elle. Elle n'est pas la fin de tout mais la continuité de la vie. Elle n'en est pas séparé. Bien sûr, on ne doit pas la souhaiter mais la regarder et l'observer dans toute sa beauté et sa grande justice.
Orion est presque à son zénith maintenant, le soleil va se lever dans quelques minutes. Il fera disparaître les étoiles et brillera de milles feux.
Les étoiles seront toujours là, derrière le soleil aveuglant, comme la mort est là derrière la brillance de la vie. Celui-ci ne doit jamais nous faire oublier celle-là au risque de devenir insignifiant et prétentieux.