L'improvisation est un phénomène qui m'a toujours intéressé voire intrigué. En musique comme dans d'autres formes d'art probablement, il est presque coutume de confondre l'improvisation avec une forme de "sur-préparation", un vocabulaire appris et régurgité ne présentant qu'un semblant d'improvisation alors que tout est (presque) prévu sans l'ombre de surprises ou de réelle acceptation du moment présent comme seul point de départ et d'arrivée possible.
L'improvisation ne supporte pas la réflexion, beaucoup trop lente, et ne s'accommode que d'une espèce de "lâcher prise" avec soi-même, de notre pensée (également trop lente) ou toute forme de dualité engendrée par notre "moi". Dans l,improvisation, il n'y a plus d'observateur et d'observé mais uniquement le fait de percevoir.
C'est probablement pour cette raison que l'improvisation est une forme de méditation, une coupure avec notre mode ou façon d'être "régulière". Le centre n'est plus "moi" mais uniquement le fait de percevoir, l'action de percevoir. Perception directe sans jugement, pensée, évaluation, calcul, comparaison etc. Tous ces critères font partie de notre mode de fonctionnement au jour le jour, dans notre quotidien...avec son lot d'illusions et de souffrance!
Faisons un parallèle avec la poésie. Imaginez un instant qu'un poète s'exercerait pendant des heures, chaque jour, à trouver des formules poétiques, un vocabulaire précieux et particulier qu'il insérerait dans ses poèmes de façon régulière, redondante. On aurait tôt fait de le qualifier de malhonnête et de mécanique. Sa prose et ses vers ne nous toucherait que dans une très petite mesure me semble-t-il. Or il s'avère que cette pratique est monnaie courante chez les musiciens dits improvisateurs.
Il va sans dire que l'apprentissage d'un instrument est incontournable mais le problème survient quand cet apprentissage devient uniquement mécanique et qu'un certain vocabulaire devient automatique. Les nombreuses méthodes d'improvisation proposées sur le marché aujourd'hui ne soulèvent jamais ou très rarement ce problème: celui de la qualité de présence et/ou d'être à ce que l'on fait.
Le noeud du problème, selon moi, est là. Le paradoxe réside dans le fait que notre présence, notre capacité à être dans le présent exclus justement le moi, l'égo, la personnalité et toute cette construction édifiée au cours des années. Nous sommes totalement présent quand nous n'y sommes plus!
La musique devient alors autre chose que ce produit à consommer. Elle devient quelque chose de vivant, éphémère sans autre raison d'exister que le simple fait qu'elle "est". Transparente. Sans jeux ou poses.
La beauté est toujours innocente et il y a longtemps que nous ne le sommes plus. Avoir l'audace de disparaître derrière la musique...oui, l'audace par les temps qui courent...Audacieux car dans notre société on admire plus (trop souvent à tout le moins) que les "personnalités" et autres énergumènes "remplis d'eux-mêmes". S'effacer et laisser place à ce qui nous dépasse. Voilà certainement quelque chose d'audacieux dans notre monde contemporain.
Fragile et forte, sans traces ni buts, riche de par sa volatilité et cependant infinie et profondément enracinée.
Le moment présent quoi...