Il y a quelque chose d'un peu futile, puéril à vouloir rejeter (souvent d'un seul bloc!) les traditions musicales, à vouloir remettre les compteurs à zéro, du moins le croit-on, pour faire une musique "neuve", "nouvelle". Il m'est arrivé à plusieurs reprises d'entendre à peu près ce discours: "je ne veux rien savoir du jazz, c'est une musique américaine. On est Québécois, on va faire une musique québécoise. On est pas des colonisés". Pour moi, cette approche en est une de...colonisé! Réaction de rejet, peur de perdre son identité.
Pour ma part, je ne m'identifie pas à la musique que je joue, non plus qu'à ma nationalité ni à quoi que ce soit d'ailleurs. Je ne me défini pas à partir de ces idées ou actions. Je n'ai donc rien à défendre de ce côté.
Je me méfie de tous les nationalismes. Qu'ils soient poétiques ou revendicateurs, économiques ou politiques, ils mènent toujours, tôt ou tard, aux conflits, à l'affrontement, à la guerre. Je n'aime pas ce qui sépare. Ceci dit, je ne crois pas non plus aux grands rassemblements, aux mouvements de groupes ou de foules.
Voir nos racines, les reconnaître, s'en inspirer, prendre ses distances avec elles et enfin pouvoir véritablement voyager, au propre comme au figuré! Ne jamais les oublier, ces racines, mais aussi ne pas en faire l'apologie systématique. Nous n'avons pas à être fier ou pas de nos origines. Elles sont. C'est tout.
Revenons à notre musicien qui rejète d'emblée une culture, une histoire...des histoires! Il me semble que ce musicien devra d'abord se débarasser de sa peur qui le fait douter de lui et de sa place dans le monde, qui tranforme "l'autre" en obstacle à combattre, en mur à franchir. En ennemi.
Un tout petit texte de Pau Casals qui traite de l'originalité en musique:
Le souci d'une originalité à outrance porte aux pires aberrations. Chacun de nous porte en soi son originalité, comme la possèdent les plus modestes créations de la nature. Combien de feuilles sur cet arbre et cependant aucunes n'est identiques à l'autre.
Un ami à cent mètres n'a pas besoin de recourir à des gesticulations pour donner une impression d'originalité. La marque du génie, en musique, c'est de développer un language à soi au travers du language usuel et compréhensible.