Communiquer: être en relation, mettre en commun.
Notre cerveau fonctionne à la façon d'un ordinateur. Il accumule. Sensations, émotions, odeurs, couleurs; images et informations de toutes sortes; concepts, mots, languages, idées etc. De toute cette information il pourra faire des relations, des "chemins" entre toutes ces données pour finalement aboutir à une espèce de synthèse qu'on pourra appeller "notre vision du monde" ou "le monde tel que je le conçois". Nous aurons construit une image de nous-mêmes et de ce monde grâce à cette accumulation de connaissance. Inutile de dire que cette vision a grandement changée depuis notre apparition sur terre et changera encore dans l'avenir. Elle se diversifiera aussi.
Nous sommes donc un peu (beaucoup...) le produit de nos expériences, bonnes et mauvaises, agréables ou désagréables. Notre conception du monde et de nous-mêmes se trouve tributaire de celles-ci et peut changer au gré de nouvelles données qui seront programmées dans notre cerveau. Nous sommes le produit de nos expériences en tant que groupe (les humains) mais aussi en tant que personne, individualité.
Toutes ces informations se nomme le savoir et est d'ordre mécanique. Nous agissons-et plus souvent qu'autrement réagissons-donc de façon mécanique, prenant pour référence la somme des expériences que nous avons vécu et accumulé pour entrer en relation avec l'autre et le monde en général. Nous appréhendons le monde avec l'image que nous nous sommes construit de nous-même. Image-mémoire.
En relation? D'une certaine façon oui. Mais quelle est la qualité d'une relation de deux être vivants qui est mécanique? Si nous branchons deux ordinateurs en parallèle, ils pourront certes échanger des informations, des données mais y aura-t-il pour autant communication? Je répète: Quelle sera la qualité de cette relation? En ce qui concerne l'humain, quelle peut être la qualité de la rencontre de deux "construction" (l'humain se construit parait-il), de deux images, de deux concept?
Prenons un exemple tout bête.
Il est de bon ton lorsque nous rencontrons une personne de la saluer: bonjour, comment ça va? Notre réponse, dans 99% des cas sera d'ordre mécanique: bien!
Il n'y a pas de véritable relation. Elle reste d'ordre mécanique, sorte de réflexe où l'on utilise des mots qui n'ont pas de sens profond, qui ne correspondent à rien de réel ou de vrai. Celui qui pose la question ne veut pas vraiment savoir si vous allez bien et votre réponse ne veut pas dire que vous voulez réellement informer votre interlocuteur de votre situation réelle.
Tout ceci nous semble normal. Cet exemple n'est qu'une illustration du mode de fonctionnement de la plupart de nos dialogues ou communications dans la vie de tous les jours. Ce fonctionnement "sans danger" est le plus courant car il ne remet rien question, ne force pas à vraiment réfléchir, si ce n'est -encore une fois- que de façon mécanique. Nous utilisons des mots qui sont vidés de leur sens profond, qui ne correspondent plus à grand chose. Mots devenus, eux aussi, mécaniques.
Ainsi nous tomberons dans ce piège qui nous fera admirer ces personnages qui, par exemple, utiliseront à profusion les mots "amour", "fraternité", "liberté", "tolérance", "non-violence" et qui ne sont que trop souvent de fieffés coquins!
Ce mode de fonctionnement mécanique est aussi tragique lorsqu'il s'applique à la musique. Si le discours musical d'un musicien n'est plus en relation avec lui-même, si ce discours reste à la surface des notes, comme on reste à la surface des mots, il n'est et ne restera que du bruit organisé. Parfois avec certaine intelligence, avec beaucoup de technique et d'habileté mais sans racines et donc à la merci du moindre souffle, insignifiant-sans signification-et authenticité.
Je suis persuadé qu'une grande partie du travail de musicien doit s'accomplir "en dehors de la musique", sur un terrain où peuvent se rencontrer des gens qui ont soif de véracité, d'honnêteté, de simplicité.
Qu'on les appelle artistes, travailleurs, professeurs, ouvriers ou que sais-je! C'est ce terrain qui m'intéresse.
Ce que l'on fait importe peu, mais comment...Le "comment" parle toujours plus que le "quoi"!