Ce matin-là, Xavier se levât comme à l'accoutumer, pris un solide déjeuner et partit au boulot à 8:00 précise. Xavier travaillait dans la police. C'était un exemple pour tous, obéissant à ses patrons sans poser de questions, toujours ponctuel, incorruptible, droit, méthodique et à l'ordre. Un exemple vous dis-je.
Xavier avait deux enfants de 4 et 6 ans qu'il adorait et une conjointe plus jeune que lui qu'il aimait tendrement. Ça avait été le coup de foudre entre les deux et cette passion était toujours vivante. Xavier et Yvonne filait le parfait bonheur. Cette famille respirait la joie de vivre, tous leurs voisins vous le dirons.
Depuis quelques semaines, Yvonne participait aux grèves étudiantes sans trop de convictions. Elle avait décidé de retourner aux études après avoir expérimenté plusieurs petits boulots. Yvonne voulait un meilleur emploie mais surtout elle avait le désir d'apprendre des choses, de s'ouvrir sur le monde qui l'entoure, d'en savoir plus sur elle-même et les autres.
Xavier, ce matin-là, reçut l'ordre de se rendre sur la Place de la Liberté pour sécuriser, comme on dit dans leur jargon, la dite place. Il enfila son habit noir, ses bottes, prit son casque à visière, son bouclier, tout son attirail (matraque, poivre de cayenne, revolver, menottes etc.) et se dirigea avec ses compagnons vers la place.
Yvonne reçut, ce matin-là, un coup de fil de sa meilleure amie la suppliant de venir avec elle et d'autres étudiants pour protester contre la hausse des frais de scolarité, entre autres.
Zoé était une jeune étudiante éprise de justice, passionnée. Elle entraînait souvent Yvonne, discutait avec elle et, il faut le dire, la persuada plus d'une fois du bien-fondé de ses idées.
-"Tu sais bien que Xavier n'aime pas que je me rende à ces manifestations...Il a peur pour moi..."
-"Allons Yvonne, Tu n'as qu'à mettre un chapeau, des lunettes, un foulard sur ta bouche! Personne ne saura que c'est toi! Et tu seras avec nous pour une bonne cause!
Yvonne, une fois de plus, se laissa convaincre. Elle téléphona à sa mère pour qu'elle vienne s'occuper des marmots et fila avec Zoé.
Sur la place, les policiers déjà étaient en poste. Lorsque Zoé et Yvonne arrivèrent des altercations s'étaient déjà produites. La tension était palpable.
Des étudiants s'approchaient des brigades anti-émeutes et les narguaient, les insultaient, testaient leur patience, leur faisaient des doigts d'honneur. Certains essayaient même de leur parler, de les convaincre...Peine perdue, les forces de l'ordre restaient de marbre, attendant les ordres.
Soudain des pierres venues d'on ne sait où s'abattent sur les policiers, faisant beaucoup de bruit mais peu de dégâts. L'ordre ou plutôt une espèce de borborygme fuse immédiatement de la bouche du chef de la brigade. Les policiers chargent.
C'est un fouillis indescriptible qui s'ensuit. Les étudiants courent dans tous les sens. Ils venaient de se rendre compte que la place était complètement encerclée par les policiers.
Fumée, pierres, bruits de vitre fracassées, cris, plaintes, sueurs, sang, vociférations, ordres. La place est devenue un véritable champ de bataille où les forces en présence sont inégales.
Xavier, obéissant aux ordres, tapent sur tout ce qui bouge, arrête, menotte, fait son boulot de policier. Soudain sa main, son coeur s'arrête.
Il vient d'apercevoir Yvonne à genoux, son foulard ensanglantée pendu autour de son coup, le visage déformé par la douleur. Il abandonne sa matraque, son casque, son bouclier et se précipite vers celle-ci.
Il n'aura jamais eu le temps de se rendre près de son amour. Yvonne n'aura pas eu le temps de voir Xavier courir vers elle. Une pierre, grosse comme un pavée frappa Xavier à la tempe. Mort instantanée dira plus tard le médecin-légiste.
Place de la Liberté ce matin-là est déserte. Ses enfants sont grands, partis.
Yvonne marche, goûte le soleil, laisse le vent jouer avec ses cheveux blancs et se souvient.