Ça avait été horrible. Cette nuit de folie resterait marquée dans la mémoire de l’humanité; ce qu’il en restait. Cela avait commencé bien avant mais le 11 août tout avait basculé, tout s’était précipité. Trop vite, trop tard, trop violent, trop humain. Désespérément humain.
Tous ces gens rendus malades par la nourriture vendue légalement dans les hypermarchés, atteints de cancers ou de maladies dégénératives, tous ceux encore capables de marcher, de se mouvoir, d’agir quittèrent simultanément les hôpitaux où ils étaient assignés et prirent d’assaut, attaquèrent, trucidèrent tout ce qu’ils leurs paraissait relever du pouvoir ou s’en rapprocher. Les femmes et hommes politiques en premier lieu mais aussi les dirigeants d’hôpitaux de mèche avec les gouvernements (les hôpitaux, à ce moment, pratiquaient très librement, très aléatoirement et très largement l’euthanasie) mais aussi les chefs d’entreprises, les directeurs, les président, les professeurs (devenus des propagandistes à la solde du gouvernement) bref tous ceux qui, de près ou de loin, exerçaient un pouvoir sur autrui. Ça faisait beaucoup de monde...
Tout aurait pu changer pour le mieux il y a longtemps mais personne ne l’avait vraiment souhaité. On avait préféré une mort certaine, douce et secure au changement, à l’aventure, au risque.
La nature avait doté l’homme d’un cerveau mais sans manuel d’instruction. Elle avait essayé la conscience, la conscience d’être conscient, le recul. Après cette nuit elle se rabattrait probablement sur du solide qui avait fait ses preuves. L’instinct, l’intuition.
Pourquoi cette nuit? La veille, St-Ange, un journaliste au chômage, avait réussi à faire paraître sur la toile des informations qui n’auraient pas dû être disponibles au peuple. Ces informations divulguaient les stratégies du nouveau gouvernement mondial qui comportaient, entre autres mais prioritairement, l’extinction contrôlée d’une partie de la population mondiale par le biais de la nourriture produite.
D’après ce programme il fallait à tout prix produire des politiques suffisamment subtiles pour que la population se réjouisse des conditions dans lesquelles elle vivait et même qu’elle aille jusqu’à défendre becs et ongles son malheur, son ignorance et son suicide.
Le petit peuple avait toujours payé pour qu’une minorité puisse vivre dans l’aisance, le luxe, l’abondance mais depuis et grâce à la révolution française on avait grandement amélioré les techniques de soumission. Apprendre au peuple à aimer sa prison et sa mort au lieu de le contraindre par la force. Une solution brillante se fit jour, on appèlerait cela « démocratie ». Faire croire au peuple qu’il serait maître de son destin. Bien entendu on le ferait voter « dans le bon sens ».