Dans ce conglomérat adipeux on retrouve de tout et son contraire. L'informe, le nébuleux, cet espèce de flou qui se veut artistique ramène du monde, des millions, des articles de journaux, des comptes rendus, des concours, des gagnants et des perdants, des mangeur de hot-dogs, de fins gourmets, des critiques et journalistes pointus, des ignares et des génies, des mélomanes et des badauds, des profits et des subventions, des coups de coeur et des coups de pieds au cul, d'incultes programmateurs et d'autres passionnés, véritables encyclopédies vivantes. De la pluie et du soleil, de la magie et des horreurs. On applaudit assis ou debout mais on applaudit. Un festival génère beaucoup de bruit mais se veut aussi écolo. C'est un espace de liberté ou l'on se fait fouiller en entrant, sécurité oblige. On a droit à des spectacles gratuits et des "pas donnés", des musiques festives (pour un festival c'est plutôt bienvenue!) et d'autres plutôt intellos, bref de tout et son contraire. On s’y excite ou s’emmerde, tout dépend.
On mesurera son succès en fonction des recettes, du nombre de "clients" passés, des foules attirées par les évènements, de l'impact sur les commerces avoisinants, le tourisme accru, le crédit et la visibilité dans le monde. Des chiffres encore des chiffres. Le culte de la rentabilité qui bientôt, si ce n'est déjà fait, pointera son nez dans les écoles, les universités. Pour ce qui est de la culture, de l'art, cette passion pour l'efficience et la rentabilité à tout prix a depuis un moment déjà démontré les ravages qu'elle pouvait engendrer.
Un gros festival c'est un supermarché où tu trouveras du congelé et du caviar, des fruits frais ou en conserve. Il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. C'est un concentré de quelques valeurs qui dominent et animent notre monde. L'efficacité, l'offre abondante, le profit, l'anonyme, le centralisé, le convergent. Small was beautiful...
Il y a aussi les petites boutiques, l'artisanal, le fait main, l'amour du travail bien fait, soigné, l'original, le fait sur mesure, ce qui fait sens, l'attention portée aux détails, la sensation de l'humain derrière ce qu'on propose, une voix, un œil, un geste, une intention, un désir, une proximité, une identité.
Si je me rends dans les grandes surfaces c'est dans un but précis et j'en sort aussitôt avoir fini mes achats; et j'en veux pour mon argent. Le proprio ou la caissière n'ont pas le temps de prendre le temps. Dans un supermarché on est client, consommateur. On prend, on paye et on s'en va. Notre identité se limite à celle de notre portefeuille. Il s'agit ici d'une entreprise qui se doit d'être rentable à tous les niveaux. De toute façon, personne de sain d'esprit ne va au supermarché pour y faire des rencontres...à moins d'être socialement désœuvré.
Justement, notre système produit "du désœuvré" à la pelle, de l’éduqué inculte.
Dans mon village existent encore quelques boutiques. Réminiscences d’un passé écrasé sous le rouleau compresseur de la modernité, du progrès, elles suffoquent et meurent, incapables de rivaliser avec l’abondance et le faste des gros distributeurs/diffuseurs.
Je ne suis pas contre le progrès. Encore que je ne suis pas certain que tout le monde s’accorde sur ce que ce progrès implique et même en soit toujours un.
Tout cela fait partie de l'héritage d'un système qu'on appelle néo-libéral. Et il n'a pas fini de faire des petits.