"Quelque mal que puissent faire les méchants, le mal que font les gens de bien est le pire des maux"
Tiré de "Ainsi Parlait Zarathoustra" de Nietzsche
Un regard sur l'histoire, sur ceux qui ont vécu en d'autres temps, de notre position où, parait-il, nous serions ce point culminant d'une suite de progrès au cours des âges, âges bien sombres, sentant le souffre, pestilentiels pour nos narines si pures et sensibles, insupportables âges où le mal coexistait avec le bien, où tout n'était pas passé par le filtre des droits de l'homme, justifiant en son nom, ceci dit en passant, bon nombre d'injustices et d'horreurs sous le couvert d'interventions humanitaires. Ce regard d'aujourd'hui, supposé infaillible et irréprochable, hystérique mais dégagé de toute infamie (?), sur celui d'hier me parait bien délicat.
Ainsi armé, au nom du Bien, sans vergogne, la tête haute, on juge et condamne tout ce qui n'entre pas dans le nouveau catéchisme néo-moraliste de notre temps. C'est avec férocité que la "moraline" est injecté à l'instar de ces oies qu'on gave pour donner le foie gras, sauf qu'ici, on vise à se parer d'une bonne conscience, à se dire combien ces temps obscurs ne reviendront plus, que nous sommes enfin sortis de l'histoire et de ses turpitudes. Nous sommes propres, lavés, plus blancs que blancs, "brainwashés"?, donc aptes à poser notre regard et surtout notre jugement qui disqualifie en tout ou en partie bon nombre de penseurs, de philosophes, de musiciens, d'écrivains, en les résumant à leur part d'ombre.
Voltaire? Furtwängler? Celine? Beethoven? Heidegger? Diderot? Rousseau? (ce ne sont que quelques exemples...) Machos, anti-sémites, anti-féministes, esclavagistes, fascistes, racistes...Ils ont tous fait ou écrit et probablement pensé ces choses qui, aujourd'hui, seraient passibles de mise à l'index, de poursuites judiciaires, de prison. Et alors? Faudra-t-il refaire le procès de tous ces gens? et les milliers d'autres? En quel honneur? de quel droit? Sommes-nous à ce point imbus de nous-mêmes? Narcissiques! Notre époque voudrait-elle régler son compte au passé? L'effacer ou à tout le moins le rendre lisible, présentable, sans anfractuosités, plat, droit, blanc, lessivé!
"L"exigence de Bien sans compromis, sans compromissions, sans arrangements, entraîne que le Mal qu'on prétend expulser vient illico loger dans le Bien expulseur, où il devient irrepérable puisqu'il se met alors à parler dans le langage et avec la voix de ce qu'il squatte. Et c'est ainsi que le mensonge et la haine se mettent à exiger la justice et l'amour, et apportent une énergie féroce à les faire triompher le plus férocement possible. Cela se vérifie tous les jours, et dans les domaines les plus variés." P. Muray
Le problème, à mon sens, porte sur la férocité avec laquelle les "gens de Bien" avancent. Leur jugement et leur prétention à revoir (et refaire parfois) l'histoire avec leurs yeux d'hommes et de femmes d'aujourd'hui n'a aucun sens. On peu certes observer les contradictions qui existent chez tous les êtres humains, on peut s'en indigner ou s'en réjouir, c'est selon, mais une chose insupportable à mes yeux, c'est cette incroyable bigoterie, cette complaisance teinté d'arrogance dissimulée et pour tout dire cette tartuferie qui semble animer ces grenouilles de bénitiers de la bien-pensance.
Chesterton disait que dans les moments de grand trouble, il n'y a pas que les vices qui se libèrent, vont à l'aventure et font des ravages : "Les vertus sont aussi libérés et elles errent, plus farouches encore, et elles font des ravages plus terribles encore."