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9 janvier 2017 1 09 /01 /janvier /2017 22:18

"On peut être tenté d'aimer que le mot "art" puisse donner à des gens le sens de la grandeur qu'ils ignorent en eux"

Malraux

« Je consomme de la culture ».

Quand j’entends cette expression une grande tristesse m’envahit. Mais pas que. Une colère sourde, un agacement lancinant mêlé de stupéfaction et pour tout dire un léger désespoir m’atteint. Le degré d’asservissement qu’une telle phrase implique me laisse bouche bée.

Utiliser ces mots dans une même phrase -consommer et culture- démontre à quel point nous pouvons intérioriser un concept qui nous place finalement au rang de tube digestif. Celui-ci remplit des fonctions essentielles, cela va sans dire, mais il n’est pas vraiment reconnu pour sa conscience ou sa capacité à prendre du recul face aux choses qui lui sont proposées. Il digère. Ou pas.

Se définir comme consommateur c’est accepter l’apathie que ce mot suggère par définition. On pourra rétorquer qu’il y a des consommateurs avertis. Cette expression est, à mon sens, encore plus pernicieuse, un peu comme « développement durable » ou « croissance négative » ou encore « lien social », « discrimination positive » ; des expressions qui auraient pu tenir dans le livre d’Orwell « 1984 » ! des expressions qui inhibent, déconcertent et au final rendent difficile la réflexion, la prise de position, quelle qu’elle soit. Elles désamorcent les conflits potentiels (sans les régler), escamotent les points de vue différents et contradictoires. Ce sont des éléments de langage manipulatoires. En prendre conscience est un pas de plus vers l’autonomie, une plus grande capacité à penser juste.

Il est clair qu’une économie de marché a plus besoin de gens qui consomment que de gens qui réfléchissent. Selon moi, c’est à partir de cette constatation que nous devons poser le problème de la perte de qualité de notre système éducatif. Isoler ce problème de ce que le néo-libéralisme exige et/ou implique est une erreur et pour tout dire un peu fallacieux. Les nombreuses et catastrophiques réformes (aujourd’hui dès qu’on entend ce mot on sait que l’on va perdre quelque chose...) auxquelles nous assistons depuis plusieurs décennies ne sont peut-être que la réponse logique ou la pente naturelle qu’un tel système induit.

Lire un roman, consommer un roman. Écouter de la musique, consommer de la musique. Assister à des expositions, consommer de l’art.

Ces formules suggèrent deux attitudes complètement différentes.

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Published by Yannick Rieu - dans Culture