J’ai toujours été fasciné par les chants. Pourquoi « les » et pas « le » ? Parce qu’à mon avis il existe deux sortes de chants. Celui « extérieur » et celui « intérieur ». Je m’explique.
Le chant « extérieur » est facile à saisir. Ce sont les notes et leur choix, l’instrument et sa maîtrise, la connaissance harmonique et rythmique et leur application dans la musique. Tous ces paramètres mis en action peuvent donner une musique appréciable, « qui s’écoute », une musique satisfaisante jusqu’à un certain point. Nombre d’artistes se contenteront de ce chant sans aller plus loin, sans mesurer précisément le degré de responsabilité que ce « métier » implique.
Le chant « intérieur » est peut-être un peu plus difficile à saisir. Il concerne et est valable tous les Arts. Vous pouvez transposer ce qui est dit ici pour la peinture, la littérature, la poésie etc.
Pau Casals, cet immense musicien, parlait de la musique qui existe entre les notes mais aussi de la qualité du silence entre celles-ci, ce qui reste quand le son s’est tu. Le chant « intérieur » c’est aussi la qualité de présence et la capacité à être dans la musique, non pas comme spectateur de nous-mêmes mais totalement absorbés par celle-ci. Le chant intérieur c’est aussi cette capacité à plonger, à prendre des risques, à sortir des chemins connus sans toujours savoir ce qui nous attend.
Prendre des risques, être à même de tutoyer la musique quitte à ce qu’elle nous renvoie une image de nous-mêmes pas toujours belle, flatteuse, idéale. Cette image, lorsque nous l’acceptons, à ceci d’intéressant : elle est vraie.
Il existe mille façons de se cacher derrière la musique, les mots, la peinture, mille façons de tricher, mille façons de se répandre, mille façons de plaire. Je n’ai rien contre le fait de plaire, il est humain de vouloir être apprécié et aimé, encore faut-il que cela soit pour de bonnes raisons. Si nous préférons les masques à l’authentique, si pour nous le maquillage passe avant ce qu’il cache nous avons un sérieux problème ou de perception ou de valeurs. Dans le pire des cas, les deux.
Les Arts, en général, n’ont pas pour mission première de « faire diversion », j’espère n’apprendre rien à personne ici, ils n’ont pas pour mission d’aguicher ou de séduire (tant mieux s’ils le font parfois) mais bien de révéler, montrer et dans certain cas, démontrer. Élever la conscience, rendre plus conscient, plus sensible, plus alerte fait certainement partie de leur mission.
Quand les chants intérieurs et extérieurs se superposent, se marient, convergent, quels que soient l’art pratiqué, un souffle naît, une vision neuve nous apparaît, quelque chose éclot devant nos yeux et/ou nos oreilles.
Cette chose nous rend plus vivant, nous informe sur nous-mêmes, aiguise nos sens.
Un Art véridique tel que je le conçoit transforme le spectateur en acteur.