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4 mars 2016 5 04 /03 /mars /2016 03:48

"Les mots sont des planches jetées sur un abîme avec lesquels on traverse l'espace d'une pensée qui souffrent le passage et non point la station. L'homme en vif mouvement les emprunte et se sauve mais qu'il insiste le moins du monde ce peu de temps, les rompt et tout s'en va dans les profondeurs".

Paul Valéry

On sait que le mot n'est pas la chose. Pour celui qui a faim, vaut mieux un mauvais repas qu'un excellent livre de cuisine.

Ai-je par ces mots froissé cet écrivain-philosophe à qui j'avais envoyé plusieurs de mes disques, le sachant amoureux du jazz...et des mots?

Rien de moins sûr car jamais il ne prit la peine de me répondre ni même d'accuser réception de mon travail, lui qui au cours de nombreuses entrevues radiophoniques et télévisuelles, fustigeait les gens malpolis, incapables de dire bonjour ou merci, refusant ainsi ne serait-ce que la simple existence de l'autre.

Non mon cher écrivain-philosophe, je ne t'en veux pas le moins du monde. Tu étais sans doute trop occupé à compulser tes fiches, à lire, à réfléchir, à écrire. Je sais aussi que l'abus de savoir rend mécanique et un peu froid parfois. À trop se concentrer on devient quelque peu inattentif à l'autre.

Non, le mot n'est pas la chose.

Mais à quel abîme Valéry fait-il référence? Cet abîme que des planches-mots surplombent. À quelle profondeur songeait-il? Pourquoi ces profondeurs semblaient terroriser notre poète génial à l'idée d'y sombrer? C'est pourtant dans les profondeurs que la vie foisonne, c'est dans les profondeurs que la vie-vivante, celle que les mots n'atteindront jamais, celle d'où est absent le verbe qu'elle est la plus lumineuse. Dans les profondeurs il n'y a que le silence.

Regarde la mer!

À trop vouloir nommer nous restons à la surface des choses et des êtres. C'est tout ce que nous connaissons. Les abîmes nous rendent insécures, les profondeurs nous donnent le vertige.

Il n'y a que l'insécurité qui nous pousse à nous inventer des certitudes, certitudes qui bougent, changent au fil des siècles. Le vide, l'abîme, lui, ne bouge ni ne change. Il échappe à la pensée, il échappe aux concepts, il échappe au temps.

Le manteau des mots dissimule, parfois de merveilleuse façon! Le savoir, lui, est ignorance lorsque la connaissance du moi fait défaut.

Le culte du savoir et des mots sont des formes modernes d'idolâtrie.

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Published by Yannick Rieu - dans Culture

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