Le moment est-il mal choisi? Au contraire...
Je joins ma voix à toutes celles qui ont dénoncé, dénoncent et dénonceront les atteintes à la liberté d’expression, quelle que soit sa forme. Pas besoin de rappeler la tuerie dans les locaux de Charlie Hebdo, spectaculaire atteinte à cette liberté d’expression.
Cela dit un malaise persiste qui dérange ma conscience. Un sentiment d’injustice, un trouble, un doute subsiste concernant cette liberté et la façon dont elle est utilisée et surtout à qui s’adresse cette foutue liberté...Qui peut en user, comment, à quels desseins ? À quoi ce mot fait référence au juste ? Qui l’instrumentalise ?
Liberté. Un mot qui, par une espèce de réflexe pavlovien, fait saliver les populations occidentales, s’étant depuis longtemps drapé de bonne conscience, persuadées de représenter le nec-plus-ultra de la liberté et souvent prêtes à frapper pour, dans un élan de grande générosité (!), partager ou faire connaître les joies de la liberté sauce occidentale.
En fait pour être franc et honnête mon malaise vient du fait que je sens très profondément que notre amour de la liberté est en fait un amour de notre liberté.
Cette soudaine prise de parole dans les médias sociaux, cette vague d’indignation, ce flot de bons mots, de tristesse est réservé pour ceux de notre « clan ». Ce même clan qui, à chaque fois que c’est nécessaire, fera front devant certaines horreurs, front bien défini, avec des frontières, en général, assez bien dessinées. Front devant mais aussi dans l’horreur. On participe et s’indigne de l’horreur. Ensemble, plus ou moins.
Europe, États-Unis et son ombre le Canada (ombre plus découpée depuis Harper), Angleterre. En gros l’occident avec certaines variations dans le temps.
Ce même occident qui dépèce la Chine et une partie de l’Asie au 19ième siècle, celui qui a longtemps pris l’Afrique pour un entrepôt-genre bar ouvert-et ce n’est pas fini, celui qui gère le monde, se donne droit d’ingérence. Toujours au nom de la liberté. La sienne.
Je n’entends personne ou presque lorsqu’il s’agit de la liberté des autres. Des arabes, des asiatiques, des africains, des sud-américains. Pas un mot, en tout cas un relatif silence sur les barbaries nombreuses et tout aussi abjectes voire pire que celle perpétré dans les bureaux de Charlie Hebdo.
Sûr...C’est de notre barbarie qu’il s’agit. Bien organisée, bien costumée et grimée en « démocratielibertédroitsdelhomme ». Cette barbarie est responsable, non pas de 12, 14, 50 ou 1000 morts, mais de centaines de milliers de morts, enfants, femmes, civils !!
Ces morts-là sont moins morts que nos morts...Ils n’ont pas le même poids, ils font moins mal, moins de tirage. Ces morts-là n’existent pas. Il n’y a qu’ici qu’on meurt vraiment, que ça fait mal, la souffrance qui vaut la peine d’être dénoncée, c’est la nôtre.
Silence. Facebook ronronne doucement, twitter ne bronche pas, quelques blogues dénoncent dans une indifférence générale. Les affaires tournent, la famille va bien...
Dans les médias dominants on nous informe-déforme pour nous faire accepter l’inacceptable sauf...Quand ça arrive chez-nous.
Alors là, ça gueule, ça s’émeut, s’indigne, ça tweet, ça pleure, ça partage !!
Avec raison, oui.
Oui. Mais un profond malaise et une double tristesse s’installent, celle pour la tuerie de Charlie Hebdo et celle face à l’indifférence de notre propre barbarie. L’inacceptable et l’accepté, l’anormal et le normalisé. Le « formolisé ».
Barbarie aux différents visages. Au fond, c’est peut-être la même.
Après tout nous sommes tous humains.